Imane Argui
Bonjour, avant tout, pouvez-vous vous présenter, nous raconter votre parcours et vos activités
Je m’appelle Imane Argui, j’ai 24 ans, d’origine marocaine et je suis doctorante passionnée par l’intelligence artificielle et la robotique.
Et pourquoi ce secteur d’activité
J’ai toujours aimé le défi. Quand je devais choisir vers quelle filière m’orienter après mon baccalauréat, j’avais décidé de faire de l’ingénierie parce que c’est un métier d’hommes, en tout cas, de ce que j’entendais. Durant mes premières années à la faculté, je trouvais ce que j’étudiais particulièrement complexe, ce qui m’intriguais encore plus. Plus je m’éloigne de ma zone de confort, plus je donne le meilleur de moi-même et plus je suis épanouie. Après ma licence, la robotique me fascinait. J’étais d’abord curieuse de comprendre comment ça marchait, et d’être en mesure de reproduire la même chose. Quand j’ai commencé mon master en robotique, j’ai très tôt compris que la robotique sans intelligence artificielle, c’était comme un tajine sans légumes, ça n’a (presque) pas de sens, alors j’ai décidé de commencer une nouvelle aventure en entamant une thèse qui aborde les sujets d’actualité (Navigation autonome, réalité mixte, intelligence artificielle, robotique).
Quels sont vos projets à venir ?
Obtenir ma thèse tout d’abord. Ensuite, j’aimerai contribuer à l’avancée de la science, laisser mon empreinte dans ce monde, et la recherche me paraît le moyen idéal pour y arriver. Je souhaite acquérir une expérience dans des industries (R&D) ayant un but non lucratif. Sur le long terme, je souhaite rentrer au Maroc, et accompagner des jeunes et des enfants passionnés par la robotique et l’intelligence artificielle.
Quels sont les moments ou événements qui ont changé votre vie
Je ne peux pas dire que j’ai eu un événement exact qui a changé le cours de ma vie. Mais c’est des petits moments, des décisions prises, des personnes rencontrées. Tout d’abord, j’ai une famille qui a toujours soutenu mes choix et qui a cru en moi quand je n’y arrivais pas. Je pense que c’est important d’avoir un environnement encourageant. Ensuite, l’un des moments qui m’a beaucoup impacté durant mon cursus était quand j’avais redoublé en première année. C’était mon premier vrai choc, parce que j’avais compris que je ne pourrai plus jamais intégrer les cycles d’ingénieurs (les conditions étant d’avoir un DEUST en 2 ans). Mais en même temps, ça m’a permis de me rendre compte qu’il n’y a pas qu’une seule voie de réussite, et ce n’est certainement pas la voie que la société nous a indiquée. Nous sommes les maîtres de notre réussite. Nous avons tous les moyens de devenir qui on veut vraiment, il suffit de donner le meilleur de soi et surtout d’aimer ce que l’on fait. Arrêter de me préoccuper à quel âge je vais avoir mon diplôme, est ce que je vais étudier dans une école ou dans une faculté, un master ou un cycle d’ingénieur. L’essentiel, c’est d’aimer ce que l’on fait, être passionné et curieux. J’ai aussi fait plusieurs rencontres durant mon cursus avec des personnes qui m’ont encouragé et inspiré (principalement des enseignants), ma directrice de thèse et mon encadrant sont des personnes qui m’ont beaucoup impacté par leur leadership, et qui me poussent à toujours me donner à fond.
Quel est votre conseil pour les femmes qui veulent réussir ?
Je ne pense pas qu’il y ait une recette magique. Il suffit de croire en soi, de se donner les moyens, mais surtout d’aimer ce que l’on fait, et d’être passionné. Parfois on a un peu plus d’effort à fournir que les hommes, parce que l’on a besoin de prouver que l’on est là, que ce n’est pas uniquement une question de quota. Il ne faut juste pas se laisser intimider, et savoir vendre son travail/ses compétences.
Votre avis sur la situation de la femme au Maroc
Selon ma propre expérience, le syndrome de l’imposteur est très fréquent chez les chercheurs. Et il s’est avéré selon des études, que ce syndrome touche plus de femmes que d’hommes. Ça ne me surprend pas du tout. Les femmes ont plus tendance à chercher le perfectionnisme, s’acharnent plus sur leur travail, et ne sont jamais satisfaites des résultats, cherchent toujours à avoir mieux. Mais cela peut jouer en notre faveur, en nous poussant à exceller. Je suis d’origine marocaine, et j’ai effectué une partie de mes études au Maroc (licence), et durant ce parcours, je me retrouvais toujours dans une salle où le nombre d’étudiantes était équivalent au nombre d’étudiants en ingénierie. Quand j’ai poursuivi mes études en France, je me suis rendu compte que l’on était 11 étudiantes dans un amphi de 60 personnes (1ere année) et 3 étudiantes dans une salle de 16 personnes (2ème année). J’ai alors fait des recherches, et j’ai trouvé dans le rapport (2021) de l’UNESCO intitulé « la course contre la montre pour un développement plus intelligent » que le taux de femmes diplômées en ingénierie était plus haut dans les pays du Maghreb (Maroc – 42.2%) que les autres pays (France – 26%/ Etats-Unis – 20.4%). Donc je dirai que je suis très fière des femmes de mon pays.
Votre avis sur le site ?
Je suis impressionnée par cette initiative qui permet le partage d’expériences et d’idées. C’est une opportunité pour les femmes de s’entraider en y contribuant tout simplement. Bravo et bon courage.
Dernier mot ?
Les seules limites que l’on a sont les limites que l’on s’impose à soi. Comme le dit Tony Robbins, si dans ce monde une personne a réussi à réaliser un objectif, cela voudrait dire que l’on est tous capable de réaliser le même objectif à condition de se donner les moyens.
Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Juillet 2022