Ranya Zoubairi
1- Bonjour, avant tout, pouvez-vous vous présenter, nous raconter votre parcours et vos activités ?
Bonjour, je m’appelle Ranya Zoubairi. Evoluant à l’intersection de la culture, de l’éducation et de la recherche scientifique, médiatrice culturelle de l’art et de la science et enseignante-chercheuse à Art’Com Sup, école de design graphique et d’architecture d’intérieur à Rabat, affiliée au groupe Edvantis Higher Education. Mon parcours académique reflète ma passion pour l’exploration intellectuelle et la diversité des savoirs. Titulaire d’une licence en Littérature Française et d’un master en Pédagogie de la Médiation Culturelle de l’Art et de la Science, je poursuis actuellement un doctorat en Littérature, Art et Ingénierie Pédagogique. Mon engagement s’étend au-delà du monde académique. Je suis fière d’assumer la responsabilité du comité de médiation culturelle et de politique éditoriale au sein du nouveau-né de la société civile nationale, à savoir l’Association Marocaine des Femmes Éditrices et Journalistes, où nous ambitionnons de promouvoir la diversité et l’inclusion dans le paysage médiatique marocain. Ma passion pour l’art, l’innovation et la diversité se manifeste également dans ma production littéraire. Mon recueil antipoétique, « Délires Narquois », témoigne de ma quête de renouvellement littéraire et de mon approche de l’écriture comme acte de résistance et d’émancipation créative. À travers mes différentes activités, je m’efforce de créer un équilibre entre rigueur académique, engagement sociétal et créativité artistique.
2- Et votre vie professionnelle ?
Après avoir eu le plaisir d’enseigner dans de grands établissements de l’enseignement supérieur public, à savoir l’Institut Supérieur d’Art Dramatique et d’Animation Culturelle ainsi que l’Institut Supérieur d’Information et de Communication, je me suis lancée dans l’aventure de l’enseignement secondaire public en zones urbaines sensibles. Cette expérience m’a permis d’affiner ma pédagogie, tout en me confrontant aux défis du système éducatif public.
J’ai, aujourd’hui, le privilège de faire partie des équipes pédagogiques du groupe Edvantis, qui comprend Art’ComSup, ISGA et Com’Sup. Ce groupe universitaire se distingue par sa vision avant-gardiste et son engagement en faveur de l’innovation, de l’interdisciplinarité, de la recherche scientifique, de la diversité culturelle et de l’inclusion. Au sein d’Art’Com, ma mission est aussi multiple que passionnante : je participe à l’élaboration de programmes éducatifs novateurs, tout en étant chargée de l’enseignement de matières cruciales comme les « Power Skills », l’exploration du paysage culturel et artistique marocain, et l’initiation à la recherche en design. Mon parcours, riche d’expériences diverses, trouve, ainsi, son aboutissement dans cette synergie entre ma passion pour l’enseignement et la recherche scientifique et la vision novatrice d’Edvantis. D’ailleurs, il est aujourd’hui de plus en plus crucial de rompre avec les modèles éducatifs traditionnels pour répondre aux défis de notre temps. L’hybridation des formations et l’intégration de méthodes d’apprentissage innovantes sont au cœur de nos pratiques pédagogiques chez Edvantis, et je suis ravie de pouvoir y participer activement.
3- Pourquoi avez-vous choisi ce secteur d’activité ?
J’ai choisi ce secteur car il incarne deux de mes passions les plus insistantes : la créativité et la transmission des savoirs. L’art et la culture possèdent ce pouvoir unique de transformer nos perspectives et nos interactions avec le monde. Travailler dans le domaine de l’éducation me permet de contribuer directement à façonner les jeunes esprits, en développant non seulement leurs compétences techniques, mais aussi leur capacité à s’adapter, collaborer et innover. Mon engagement se manifeste à travers un enseignement qui place l’humain et la société au cœur de ses préoccupations, en sensibilisant les étudiants aux enjeux sociaux, environnementaux et éthiques. Ma volonté est d’œuvrer pour une transformation du modèle éducatif, où l’innovation, l’éthique et l’excellence sont centrales, afin que les étudiants deviennent des professionnels compétents et confiants, prêts à relever les défis auquel le Maroc contemporain doit faire face.
4- Quels sont vos projets à venir ?
Je me consacre actuellement à plusieurs projets, dont l’organisation d’un colloque scientifique international qui réunira des chercheurs, toutes disciplines confondues, autour de thématiques de recherche partagées, avec pour objectif commun de promouvoir l’innovation et la recherche scientifique. Je travaille également sur plusieurs projets d’écriture, tout en poursuivant mes recherches académiques avec l’intention de publier sur des sujets clés liés à l’éducation, à la médiation culturelle et à la recherche scientifique en design.
5- Quels sont les moments ou événements qui ont changé votre vie ?
Mon premier coup de foudre littéraire fut l’une de ces illuminations qui marquent une existence. Je me souviens encore de cette rencontre bouleversante avec Charles Baudelaire, de ce jour où ses Fleurs du Mal ont germé dans le jardin secret de mon esprit comme une pluie d’étoiles aussi indécentes qu’incandescentes. Ce fut une révélation, brutale et douce à la fois, celle de la puissance presque mystique des mots, ce souffle poétique capable de transfigurer le banal en sublime. C’est à cet instant précis que j’ai senti en moi naître une faim nouvelle, une soif inextinguible de maîtriser l’art du Verbe. Dès lors, un désir ardent m’habite : faire parler les silences, dire les non-dits, tracer des chemins pour exprimer l’inexprimable. Et puis, il y a eu cette autre rencontre, tout aussi marquante, avec le cri d’Edvard Munch, cette toile vivante qui semblait hurler aux confins du silence que la création est une bataille, une lutte incessante contre le néant, contre l’incompréhension, contre l’indifférence. Ces moments, ces éblouissements littéraires et artistiques, ont sculpté mon esprit avec une intensité telle qu’ils sont devenus les balises de ma propre existence.
6- Quel est votre conseil pour les femmes qui souhaitent réussir ?
Mon conseil aux femmes est de croire, avec une force inébranlable, en leurs capacités, et de se rappeler chaque jour qu’il n’y a pas de mal à être le centre de son univers, l’écrivaine, la narratrice et l’héroïne de son propre récit. Nous vivons dans un monde où l’on nous demande souvent de rentrer dans des cases, de rester dans des zones de confort tracées par d’autres. Mais la véritable réussite, celle qui a du sens, celle qui libère et transforme, commence justement là où ces zones de confort se terminent. Elle naît du courage de se lancer dans l’inconnu, de se risquer à rêver plus grand, de réinventer les chemins quand ceux qui existent ne nous conviennent plus.
7- Quel est votre avis sur la situation de la femme au Maroc ?
La situation de la femme au Maroc est un sujet complexe et en constante évolution. Il est indéniable que des avancées significatives ont été réalisées ces dernières décennies en matière de droits des femmes et d’égalité entre les sexes. La réforme du Code de la Famille en 2004, le débat actuel autour d’une nouvelle réforme dudit code, l’adoption de la nouvelle Constitution en 2011 qui consacre l’égalité homme-femme, ainsi que diverses lois visant à lutter contre les violences faites aux femmes, témoignent d’une volonté politique de promouvoir les droits des femmes. Cependant, force est de constater qu’il reste encore un très long chemin à parcourir pour que toutes les femmes marocaines, indépendamment de leur milieu social ou géographique, puissent réaliser pleinement leur potentiel. Si l’effort étatique est louable, avec la mise en place de cadres juridiques progressistes, il est crucial de comprendre que le changement effectif nécessite un travail en profondeur sur les mentalités. Les lois, aussi progressistes soient-elles, ne peuvent à elles seules transformer une société. C’est un processus de longue haleine qui implique une remise en question des normes sociales, des stéréotypes de genre et des pratiques culturelles discriminatoires profondément ancrées. À mon sens, la clé de cette transformation réside dans une approche holistique de l’éducation. Une éducation humaniste, dispensée non seulement à l’école mais aussi relayée par les médias, est essentielle pour façonner une société plus égalitaire.
En tant que médiatrice culturelle, je suis convaincue que l’art et la culture jouent un rôle crucial dans ce processus de transformation sociale. Ils peuvent servir de catalyseurs pour susciter le dialogue, remettre en question le statu quo et imaginer de nouvelles possibilités pour notre société. Par ailleurs, il est essentiel de reconnaître la diversité des expériences féminines au Maroc. Les défis auxquels font face les femmes en milieu urbain diffèrent considérablement de ceux rencontrés par les femmes en milieu rural. Une approche intersectionnelle, prenant en compte ces différentes réalités, est donc nécessaire pour élaborer des politiques et des initiatives véritablement inclusives. De ce fait, bien que le chemin vers une égalité totale et effective soit encore long, je reste optimiste quant à l’avenir. Les jeunes générations, plus ouvertes et connectées, sont porteuses de changement. Notre rôle, en tant qu’éducateurs, chercheurs et acteurs culturels, est de nourrir cette dynamique positive et de contribuer à forger une société plus juste et égalitaire pour tous.
8– Votre avis sur le site ?
Le site du magazine Le Monde Féminin est une plateforme remarquable qui incarne parfaitement le type d’initiative médiatique dont nous avons besoin pour faire avancer la cause des femmes, non seulement au Maroc mais à l’échelle internationale. Comme je l’ai mentionné précédemment, l’éducation et la sensibilisation par le biais des médias sont cruciales pour transformer les mentalités et promouvoir l’égalité des genres. Le Monde Féminin répond admirablement à ce besoin en offrant une plateforme inspirante qui met en lumière les femmes de tous horizons.
9- Avez-vous un dernier mot à ajouter ?
Je tiens à exprimer ma profonde gratitude envers le magazine Le Monde Féminin pour cette opportunité précieuse de partager mon parcours et mes réflexions. Cette plateforme incarne parfaitement l’esprit de dialogue et d’échange que je considère comme essentiel pour faire avancer la cause des femmes au Maroc et au-delà.
À toutes les lectrices et tous les lecteurs du Monde Féminin, j’aimerais donc adresser ce message : notre société est à un tournant crucial de son histoire, où le rôle et la place des femmes sont en pleine redéfinition. Dans ce contexte, il est plus important que jamais que chacune d’entre nous prenne conscience de son potentiel unique et de sa capacité à influencer positivement le monde qui l’entoure.
Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Septembre 2024