Dounia Essabban

– Bonjour, avant tout, pouvez-vous vous présenter SVP ?
Dounia Essabban, Grand Reporter ,  âgée de 48 ans  et mère d’une fille de 20 ans
– Racontez nous un peu votre parcours
De formation en gestion commerce, j’ai versé dans le journalisme par passion. C’est un choix de vie et malgré les difficultés rencontrées dans un environnement socio politique fortement contrôlé je ne regrette pas ma reconversion. Il faut dire que ma formation polyvalente m’a permise rapidement de me spécialiser dans le traitement journalistique à caractère économique. Au fil des ans et à travers les acquis, j’ai eu l’immense plaisir de gérer des équipes et de fédérer des idées autour de projets structurants. Mon parcours est assez atypique car ayant décroché un bac D type mission française, j’ai choisi naturellement une orientation scientifique. Mais après une année de médecine en Tunisie, j’ai décidé d’orienter ma carrière vers des métiers nouveaux et en plein essor à l’époque. Le marketing fut dès le départ mon dada. Sans occulter les autres matières, je me suis sentie comme un poisson dans l’eau en découvrant les matières enseignées dans les écoles de commerce.

Une fois le diplôme décroché en 1992, c’est dans le domaine des études de marché où j’ai pris mes premières marques. Le cabinet d’études qui m’avait recruté était parmi les premiers de la place et les missions répondaient tout à fait à mes attentes. Seul hic : la stabilité de l’emploi. C’est ainsi qu’une année après, j’acceptais de me retrouver dans une institution bancaire de la place. Trois années de banque m’ont permises d’aiguiser mon sens de la gestion financière mais aussi de la démarcation à travers mes atouts dans la démarche commerciale. L’expérience n’aura pas duré longtemps car de tempérament curieux et ambitieux, je commençais à m’ennuyer dans les procédures et le développement des encours !
Une nouvelle opportunité se présenta alors quand j’ai rencontré par hasard mon ancien professeur d’économie pour qui j’avais énormément d’admiration et de respect. Il me débaucha pour une grande école de commerce privée en tant que chargée de missions. J’avais à peine 24 ans et j’étais encore plus déterminée à trouver ma voie dans un environnement encore incertain pour une bleue comme moi.
Et c’est ainsi qu’une belle aventure commença et qui dura 5 ans ! Mon mentor était le président de l’école. Exigeant mais très formateur, je me suis trouvée à gérer des montages de dossiers financiers, à organiser des événements de grande envergure pour accéder à un poste de développement après avoir lancer le centre de formation continue pratiquement seule ! Une expérience en somme pleine et qui a signé ma carrière définitivement car je découvrais du monde et mes attentes de la vie professionnelle se précisaient.

– Pourquoi le journalisme ?

Si les objectifs commerciaux qui m’avaient été assignés ont été atteints, je ne me retrouvais pas vraiment dans la peau d’une commerciale ! Et même si mes supérieurs à l’époque me flattaient d’avoir des atouts commerciaux, je ressentais le besoin de m’essayer dans un tout autre univers ; en l’occurrence celui de la presse car j’aime l’écriture.

Je suis très curieuse par nature et donc toujours à l’affût de l’information.

Une belle aventure commença et coïncida aussi avec un très bel événement ; la naissance de ma fille. C’était en juin 1998. Quelques mois après je me retrouvais derrière un clavier en train de rédiger mes premiers articles !

– Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

Les difficultés rencontrées dans le métier de journalisme sont multiples et engendrent un stress quotidien mais la satisfaction à le réaliser aident à résister et les élimine une à une au fil des années d’expérience. Ayant eu la chance de démarrer cette belle carrière dans un journal qui a levé bien des tabous au Maroc, j’ai pu construire mon nom à travers un style clair précis et critique surtout, ce qui n’est pas toujours facile à imposer. La censure a toujours été l’ennemi juré du journaliste. Il fallait savoir la contourner en restant professionnelle et constructive. Les heures infinies de travail, les bouclages des jours fériés de fête où les familles se réunissent, les voyages à l’étranger, la force de proposition de sujets et de scoop pourraient paraître comme les difficultés de ce métier. Elles ont été pour moi un levier pour mieux me confirmer dans l’univers professionnel et signer ma présence sur cette terre ! Cela peut paraître prétentieux, mais le journalisme m’a façonnée de l’intérieur pour donner ce qui sort de l’écriture.
Il s’agissait de s’organiser pour équilibrer sa vie et çà j’ai eu aussi la chance de pouvoir le faire avec une aide maternelle permanente. Ce serait pour moi la seule difficulté réelle que pourrait rencontrer une femme journaliste dans sa vie. Une fois que la conciliation entre la vie privée et le métier est instaurée, les autres difficultés font partie des particularités du journalisme.

 

– Quel est votre conseil pour les femmes qui veulent réussir ?

Et mon seul conseil aux femmes qui veulent réussir est d’être coriaces et lucides dans le métier qu’elle porte. La réalité de son propre environnement est en effet à prendre en compte pour ne pas créer des déséquilibres dans la vie de tous les jours. Cela dit il faut se donner les moyens de réaliser ses rêves en assumant ses choix professionnels même s’il faut parfois prendre des décisions irréversibles dans le personnel. Faire des choses que l’ont aiment est déjà une réussite à mon avis. Après, la reconnaissance vient le confirmer. Le facteur temps rentrant à ce niveau en ligne de compte.

– Quels sont vos projets à venir ?

Après plus de 20 ans de journalisme et dans un contexte où la hiérarchie ne permet plus une ascension professionnelle, mon projet est de créer ma propre boite à terme. L’idée est en train de germer mais elle ne pourra pas, tout de suite, se concrétiser pour des raisons purement financières et d’opportunités de marchés. Cela dit, cela me permet être le cheminement le plus naturel pour une journaliste qui prend à cœur son métier dans un tel contexte actuel. La reconversion dans le conseil en communication, le lobbiyng ou encore dans l’intelligence économique n’est pas exclue dans mes projets. Cela dit le journalisme me colle à la peau ! Et parmi mes projets futurs, l’écriture d’un ou deux ouvrages permettra de signer en toute humilité mon passage dans le monde du journalisme.

– Que pensez-vous de la situation de la femme au Maroc ?

La situation de la femme au Maroc a certes changé. Elle s’est positionnée brillamment et ce même dans des domaines d’activités d’hommes. Cela dit le machisme continue à la bloquer à des niveaux de hiérarchie supérieure. Quand on privilégie naturellement un homme dans une promotion face à une candidature féminine juste parce que c’est un homme ; c’est que la Société obéit encore à des repères ancestraux !

– Votre avis sur le site  ?

Je ne connaissais par le site lamarocaine.com, je dois dire mais je viens de le découvrir avec plaisir et je le trouve bien enrichie et étoffée de parcours intéressants de femmes ayant réussi dans la vie. Certaines rubriques comme celle de la santé pourraient encore être enrichie … L’initiative est louable car elle permet de valoriser des compétences qui ne sont pas connues. Il s’agit en effet de dénicher les talents et leur donner la chance de réussir ailleurs !

– Dernier mot

Votre site peut être un outil d’influence indéniable pour la moitié de la population marocaine et c’est à mon sens un défi à relever. Il s’agira de créer des synergies peut être avec des cabinets conseils ou des ONG internationales pour créer des débats et forcer des verrous !!!! Ce n’est que de cette manière que les femmes seront défendues à leur juste valeur.

Interview réalisé par Aziz HARCHA

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