Bonjour, avant tout, pouvez-vous vous présenter SVP ?
Kaoutsar Entifi, 54 ans, MBA en Gestion des affaires, entrepreneure Marocaine résidente au Canada depuis 2013, après un passage de plusieurs années aux Etats-Unis, en France et au Bahreïn. Épouse et maman d’une jeune fille formidable de 17 ans.
Racontez-nous un peu votre parcours
Absolument. Si vous m’aviez dit dans ma jeunesse qu’un jour je quitterai le Maroc, j’aurai eu bien du mal à vous croire. Après avoir obtenu un baccalauréat en Section Anglaise et une licence en Littérature Anglaise, j’ai été recrutée par le Sheraton Agadir pour rejoindre le service commercial et marketing.
J’ai eu le privilège de bénéficier d’excellents programmes de formation, d’avoir eu d’excellents mentors avec qui je suis toujours en contact, et j’ai vite gravi les échelons pour devenir la plus jeune chef de département au Sheraton Agadir.
Plus tard, j’ai eu à gérer plusieurs défis et obstacles inattendus, aussi bien sur le plan professionnel que personnel, et j’ai pris la décision de faire une pause, changer de cap et aller poursuivre mes études aux Etats Unis, en 1999 où j’ai obtenu un MBA en Gestion des affaires en 2002.
Après cela, je me suis installée à Paris avec mon mari et je me suis lancée dans l’entreprenariat, en organisant des événements de réseautage tout en faisant la promotion du Maroc en tant que destination idéale d’investissements touristiques et hôteliers.
En 2010, mon mari a pris sa retraite de l’UNESCO où il travaillait en tant qu’Assistant Directeur Général et a été recruté pour démarrer une université au Bahreïn. Nous avons donc déménagé à Manama ou j’ai travaillé en tant que Key Account Manager avec la compagnie ELAMES pendant près de 2 ans.
Malheureusement, quelques mois à peine après notre installation dans ce beau pays hospitalier, le Printemps Arabe s’est déclaré et nous avons dû faire face à beaucoup d’instabilité politique et de confrontations entre les communautés chiites et sunnites du pays. Nous avons finalement dû prendre nos affaires et déménager pour nous installer au Canada en 2013.
Après une petite période d’adaptation personnelle et professionnelle dans la grande région de Toronto, le retour à l’entrepreneuriat m’a semblé être la meilleure option, puisque je m’étais rendu compte au Bahreïn à quel point ma liberté et mon indépendance me manquaient.
J’ai observé qu’au Canada, tout ce qui avait trait à la culture française, y compris l’apprentissage de la langue, était très demandé dans ce pays bilingue. Alors j’ai d’abord commencé à offrir des cours particuliers de français aux adultes et aux enfants. A ce jour, j’adore enseigner et voir mes étudiants réussir.
Ceci dit, je suis aussi une ex-hôtelière, alors en 2014 j’ai commencé à importer des macarons de 1ere qualité de France pour les distribuer et les vendre dans ma région.
Cela fait maintenant 7 ans que ma compagnie est en activité et j’éprouve une satisfaction immense de pouvoir offrir un moment de pur bonheur à mes clients, grâce à une expérience culinaire inoubliable. La consécration a été de placer mes macarons dans les sacs cadeaux de 50 nominés aux Oscars en 2019, y compris Lady Gaga, Bradley Cooper, Priyanka Chopra, Nicole Kidman, Queen Lateefah, etc…Vous pouvez trouvez plus de détails sur www.gourmetsmacarons.com.
Comment est née cette passion pour le business ?
A mon avis, l’entrepreneuriat est avant tout une question de tempérament. Je suis de nature indépendante et j’ai un peu de mal à être sous la coupe de qui que ce soit.
Je n’ai pas peur de prendre des risques et j’ai la patience nécessaire pour attendre de surmonter les obstacles des premiers temps, une période toujours difficile pour n’importe quel entrepreneur, et rester concentrée sur mes objectifs d’affaires.
Quels sont vos projets à venir ?
Je continue sur ma lancée avec mes macarons et je vise le secteur de gros à plus grande échelle, notamment les restaurants et hôtels de luxe. J’ai introduit les macarons sucrés salés au marché canadien et je vise une clientèle haut de gamme pour apprécier ce produit gourmet.
Quels sont les événements qui ont changé votre vie ?
Sans hésitation, mon départ du Maroc en 1999 et les 4 ans que j’ai passé aux Etats-Unis, suivi de mon installation en France.
Quel est votre conseil pour les femmes qui veulent réussir ?
Accrochez-vous à vos rêves, croyez en vous-même et surtout ayez le courage de demander de l’aide aux professionnels et experts en cas de besoin.
Nul n’est né avec toutes les compétences requises pour démarrer et gérer une compagnie. Sachez déléguer afin de pouvoir devenir directrice et non employée dans votre propre affaire.
Que pensez-vous de la situation de la femme au Maroc ?
Nulle doute que le statut de la femme au Maroc est meilleur que celui de la femme dans plusieurs pays arabes.
Les Marocaines ont un haut niveau d’éducation, elles sont travailleuses, honnêtes et réussissent bien professionnellement, souvent appréciée. Ceci dit, après avoir vécu dans plusieurs pays, j’ai toujours eu l’impression qu’au Maroc, entre les 2 sexes, il y a une espèce de guerre froide dont on ne parle pas. Peut-être que certains droits ont été acquis avant que la gente masculine n’ait accepté pleinement l’idée de l’émancipation de la femme.
Ce qui me fait le plus mal, c’est le traitement de la femme dans la rue, les pssst et les cat calls comme on dit ici au Canada, le fait que la femme ne se sente pas vraiment en sécurité à l’extérieur car s’il devait arriver malheur, elle serait toujours blâmée par la société en général.
Votre avis sur le site ?
Je vous salue bien bas pour avoir créé un site dédié à la femme marocaine. Une véritable source d’inspirations pour nos filles. Merci beaucoup pour cet espace. Votre vision est admirable.
Dernier mot ?
Je conclus cet entretien en parlant de l’importance de la curiosité intellectuelle et de l’ouverture d’esprit sur les cultures, les langues et les traditions différentes de la nôtre. Je fais référence à l’importance de respecter ceux qui ne parlent pas comme nous, ne prient pas comme nous, ne s’habillent pas comme nous et ont probablement une couleur de peau différente. C’est très simple, si nous voulons être respectés, il faut commencer par respecter les autres, le reste suit de manière naturelle.
Merci beaucoup de cette opportunité, votre soutien aux femmes marocaines n’est plus à prouver et je vous en remercie sincèrement.
Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Décembre 2021