1- Bonjour, avant tout, pouvez-vous vous présenter, nous raconter votre parcours et vos activités
Je m’appelle Ludmila ZAOSTROVSKAYA-DAUVERGNE, je suis issue d’une famille franco-russe. Ma mère est russe, mon père est français. Je suis donc bilingue de naissance. Mes parents ont toujours mis un accent dans mon éducation sur la culture, la solidarité, la curiosité… J’ai fait beaucoup de danse et de musique étant plus jeune, des passions que je garde aujourd’hui.
2- Et votre vie professionnelle
Je suis psychologue clinicienne et actuellement en doctorat contractualisé avec l’école doctorale EPIC de Lyon. Je travaille sur une conceptualisation de la rencontre pour la remettre au cœur des préoccupations dans le monde du soin, et plus largement dans la société. J’enseigne à l’université depuis 3 ans.
3- Et pourquoi ce secteur d’activité
Je souhaitais être médecin à l’origine, neurochirurgien. Et arrivée au lycée, mes notes de mathématiques ont chuté. On m’a donc gentiment invité à revoir mon projet. Je me suis donc inscrite en fac de psychologie, qui me paraissait alors moins difficile d’accès que la fac de médecine. Et j’ai continué. Je voulais alors être neuropsychologue mais par les aléas de sélections aléatoires, je me suis retrouvée en psychologie clinique analytique. Je n’y accordais alors que très peu de crédit mais la curiosité prenait le dessus. Et j’ai finalement tout à fait été conquise par la psychanalyse, ses théories, ses pensées et ses usages. C’est un peu comme si j’étais exactement là où je devais être, où ça avait un sens pour moi, sans même que j’en ai conscience à l’époque.
4– Quels sont vos projets à venir ?
Je vais donc tenter de mener à bien ma thèse et la finir. Après, j’aimerais continuer à enseigner à l’université et garder un temps en tant que chercheur, mais aussi travailler en institution dans le champ de la précarité sociale ou de la psychiatrie. Ce sont des cliniques qui m’apparaissent particulièrement importantes à investir aujourd’hui car elles sont laissées à l’abandon par nos ministères, malgré de beaux discours et des plans d’action à la pelle. On a toujours à apprendre des autres, différents par leur culture, par leur manière de voir le monde. J’ai toujours trouvé cela inspirant et j’aime considérer mon métier comme étant, au-delà d’une relation d’aide thérapeutique, un échange.
5- Quels sont les moments ou événements qui ont changé votre vie
C’est difficile… Il y a tant de choses à chaque seconde qui changent la voie qu’on se fixe pour notre vie. Peut-être que je peux remonter à plus loin… Quand j’avais 8 ans, je suis tombée sur une exposition sur la Shoah. J’avais du mal à comprendre mais ça m’avait choqué, si bien que j’en ai été obnubilée pendant plusieurs mois, ne pensant littéralement qu’à ça. Je crois que ça m’a fait prendre conscience très tôt des risques de déshumanisation de l’autre, et je me suis appliquée à partir de ce moment-là, à toujours tenter d’humaniser l’autre en lui accordant une attention, une écoute, un regard. Ça m’a permis, en plus de l’éducation que m’ont apporté mes parents, d’être préoccupée par ce que les autres vivent. Et ça a ouvert tout mon parcours actuel.
6– Quel est votre conseil pour les femmes qui veulent réussir ?
Être une femme c’est toujours risquer d’être dans l’ombre des hommes, c’est un fait. Angela Davis disait que tous les droits acquis pour les femmes n’étaient jamais acquis et qu’il fallait toujours lutter pour les conserver. De ma place, dans le monde universitaire, les femmes sont nombreuses mais souvent moins visibles que les hommes (même si ça a pas mal évolué ces dernières années). Alors mon conseil, ce serait que pour réussir (la réussite étant simplement l’accomplissement personnel et non une grande fonction professionnelle), il faut être consciente de ses qualités et de ses faiblesses et savoir les assumer face à ceux qui essaieront toujours de nous écraser. Il faut être solidaire avec les autres, hommes ou femmes, travailler collectivement. Et au pire, « réussir » dans l’obscurité, ça reste une réussite, sinon il s’agit du prestige.
7- Votre avis sur la situation de la femme en France
Je dirais qu’en France, nous ne sommes pas si mal, surtout quand on regarde ailleurs. Mais il y a encore beaucoup de progrès à faire, notamment sur les congés menstruels, les congés maternité qui sont parfois un argument à la non-embauche d’une femme plutôt qu’un homme (alors qu’envisager par exemple qu’un père ait le même congé parental que sa compagne pourrait permettre déjà une première avancée égalitaire dans la considération professionnelle mais aussi sociale au sein de la famille)…
8– Votre avis sur le site ?
Je trouve ça bien qu’on parle un peu plus spécifiquement des femmes, qui ont été les grandes oubliées de l’histoire scientifique, culturelle et intellectuelle. Alors merci à vous pour ça.
9– Dernier mot ?
Résiste.
Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Aout 2023