Ilham Laraki Omari

Bonjour, avant tout, pouvez-vous vous présenter SVP ?

Ilham Laraki Omari, artiste peintre Marocaine. Je vis et travaille à Casablanca. Mon père est originaire de Fès et ma mère d’origine berbère. Il y a donc une double culture chez moi qui me nourrit et qui fait ce que je suis. Je les ai perdue jeune, ils m’ont transmis des valeurs qui me guident encore aujourd’hui. Entre 4 et 10 ans, j’ai fais des études chez les sœurs. A cet âge là je savais déjà comment faire les broderies, je touchais à toutes sortes d’activités liées à l’art en général comme le dessin, la peinture, la musique et la danse. J’ai baigné un peu dans cet univers. Après un Baccalauréat scientifique suivi d’une licence en gestion, j’ai fait cinq ans d’études académiques de dessin et de peinture pour approcher de près ma passion.

Racontez nous un peu votre parcours

A mes débuts, j’utilisais exclusivement les techniques du réalisme et du figuratif pur. Les toiles de cette époque là rentraient dans le cursus académique, un apprentissage en quelque sorte. La reproduction des grands maîtres avait pour objectif de se persuader soi-même qu’on était capable de copier les modèles, une étape qui rentrait dans la formation de l’artiste.
Par la suite il y a eu une période semi-figurative où j’ai présenté une exposition individuelle à Casablanca en 2009.
Le passage par le figuratif et ensuite par le semi-figuratif m’a permis de glisser progressivement vers l’abstrait.
J’ai entamé une série de peintures à l’huile sur toile, abstraites, marquées par une palette chaude, volcanique. C’est une des toiles de cette série titrée « Incandescence » qui a été sélectionnée pour le Salon d’automne, en 2013, à Paris.

J’avoue avoir toujours tendu vers cette abstraction qui me permet, en quelque sorte de me défaire du « langage » pour laisser place à mon propre ressenti, échappant, justement, à l’ordre du nommé et du nommable.

Pour ce qui est du Salon s’automne, j’ai de nouveau été sélectionnée en 2014 pour y exposer l’œuvre « Le Phénix » puis, en 2015, « Perles de lumière» avant d’être invitée, en 2016, à présenter « Luminescence ». Les termes « lumière, émotion, vie, spiritualité, énergie, minéralité, chaleur… » revenaient souvent dans le discours des personnes qui découvraient ces oeuvres. Contrairement aux premières toiles de la série « Incandescence », le mot « feu » n’a pas été évoqué, c’est la lumière qui a pris le dessus.
En 2017, J’y ai exposée pour la 5ème année consécutive et j’ai été nominée sociétaire.

Et votre vie professionnelle

J’ai commencé par exposer d’abord dans mon pays au Maroc puis en Europe, au moyen orient et aux Etats unis.
En 2012, j’ai obtenu la première mention honorable dans une exposition internationale à Istanbul. J’ai enchaîné par la suite les concours et expositions à citer : Luxembourg (Galerie Schlassgoart), Barcelone lors de la première Biennale au musée d’art moderne (MEAM), Tokyo (au National Art Center), Italie (Sale del Bramante, Piazza del Popolo à Rome et réception du prix Botticelli), France (Montmartre et Carrousel du Louvre à Paris, FIAC à Bordeaux, Toulouse, Sète, Ardèche,..), Autriche (Vienna), Miami (Museum of America), Espagne (Biennale de Siarra) ,…

Des activités artistiques à l’étranger mais aussi au Maroc. Je citerai mes récentes expositions individuelles en 2016 à la bibliothèque Nationale du Royaume (BNRM) puis au siège des douanes à Rabat, ma participation lors du festival du cinéma Amazigue à Tafraout en Avril 2018, et à l’Amphitrite Palace Skhirate qui est toujours en cours.

Il est vrai qu’on m’a même désignée de globe trotteuse en exposant un peu partout à l’étranger, mais je vous confie qu’exposer dans mon pays le Maroc a une empreinte particulière dans mon cœur, être accepté et reconnu dans son pays est inestimable pour un artiste.

Comment est née cette passion pour l’art ?

Elle m’est venue naturellement. De nature discrète, parlant peu, je m’exprime et me dévoile surtout à travers des dessins, des esquisses, des choix de couleurs, aujourd’hui des installations, sculptures et peintures sur toile. J’ai compris que plus qu’une passion, cette destinée est un besoin, quand je manque à la pratiquer, je suis comme en apnée, en manque d’oxygène.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

La première qui me vient à l’esprit est qu’il m’arrive de ne pas trouver assez de temps pour pouvoir me retrouver avec ma peinture et ma passion.

J’ai d’abord longtemps travaillé chez moi, puis à un moment donné le besoin d’un atelier avec plus d’espace s’est imposé, je me suis donc installée dans un rez de chaussée, visible et accessible à Casablanca. En y travaillant j’ai remarqué que je n’étais pas à l’aise vu la transparence justement de cet espace, le besoin de me retrouver dans un endroit, seule et dans l’aisance pour travailler n’y était pas. Puis l’idée de profiter justement de cette luminosité et jeux d’espace pour un devenir d’une galerie où mes confrères artistes peuvent aussi en bénéficier a germée, la galerie Mine d’Art (Mine d’Art Gallery) est née, elle a exposé plus de 80 artistes et écrivains (signature de livres) depuis 2012. Des artistes de renoms et d’autres émergents, mais je me suis rendue compte que la majorité de ces artistes sont des femmes qui ont la particularité d’exposer pour la première fois. Il y a un lien particulier qui se tisse avec elles car je les comprends, je sais ce que c’est que cette première fois, les erreurs à éviter (que j’ai commises) et les étapes et démarches à favoriser, je ressens leur « trac » et il m’arrive même de me retrouver en train de vernir les œuvres avec l’artiste, choisir ensemble le thème de l’exposition ou lui écrire une biographie et un texte de présentation pour son catalogue.

Mine d’art est donc désormais un lieu d’échanges artistiques et culturels qui me tient à cœur car je l’ai vue naître et prendre son envol, néanmoins il faut lui accorder aussi une part du temps et d’effort pour sa gestion et son épanouissement.

Il y a une autre difficulté que j’ai rencontré à un moment, c’est cette double casquette artiste/galeriste, elle est à double tranchant. Elle favorise les liens et échanges artistiques avec d’autres artistes mais restreint ceux avec les galeristes, ce n’est qu’après avoir vu que je n’étais pas une vraie « galeriste » au sens propre du terme mais juste une artiste qui suit sa destinée que cette dissonance s’est dissipée, mais il m’arrive encore de la sentir.

D’autre part « être femme », concilier entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle autant qu’épouse et mère peut se révéler une vraie prouesse à manœuvrer et un challenge à relever, mais n’est surtout pas impossible.

Quels sont vos projets à venir ?

« Souffle », est ma récente exposition personnelle, ces œuvres s’étendent à des peintures, des sculptures mobiles et aussi des installations. J’y présente 3 volets : Incandescence, Tasbih, Le Temps.

Incandescence, une continuité des œuvres abstraites où la lumière jaillit.
« Mon abstrait est le figuratif de mon profond ressenti »

Tasbih, des œuvres où j’effectue perpétuel pèlerinage dans les sillons que j’ esquisse, j’y grave mon dévouement et mon éternelle adulation divine. Une lumière mystique y règne.
« Le Créateur unique est Dieu. Nous ne faisons que nous inspirer de l’infini de sa création. Tout existe déjà. On s’inspire de ce qui est déjà là et tout mon être remercie Dieu à chaque instant, chaque respiration, à chaque battement de cœur, j’espère que ces œuvres continueront à battre ce tempo dans le temps… »

Le temps, je le questionne et le met en scène à travers des installations et des sculptures mobiles en invitant ainsi le spectateur à interagir avec l’œuvre, notamment en actionnant la manivelle d’un sablier ou d’une composition d’engrenages sur toile tournant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et mimant comme un vertige soufi, lumière qui jaillit d’une quête à contre-courant, à l’envers du cours du temps.
« Le temps, je ne saurai en parler qu’à travers mes œuvres ; au moment où il faut placer des mots pour le cerner, il n’y est plus »

Après avoir dévoilé cette série d’œuvres et sculptures, je continue à creuser ma réflexion autour de ces trois thèmes qui m’interpellent, m’inspirent et se rejoignent quelque part.

Une des œuvres de cette thématique a été retenue pour le salon d’automne en Octobre 2018, je serai aussi présente parmi les artistes sélectionnées pour le salon de dessin au grand palais à Paris, inchaallah.

Quel est votre conseil pour les femmes qui veulent réussir?

Mesdames, choisissez la voie que vous aimez, n’hésitez plus si ce n’est pas encore fait car il n’est jamais trop tard et le reste à venir mérite cette consécration, commencez et dites vous que tout a un début, ensuite persévérez sans relâche en fixant votre objectif et enfin ne rien regretter.

Continuez d’apprendre, quelque soit votre domaine d’activité, ne restez pas dans votre zone de confort et élargissez là par des formations, de la lecture, de la recherche..

Aimez vous, soyez tolérante envers vous même et n’attendez rien de personne, fuyez les personnes négatives qui vous gaspillent votre énergie et prenez bien soin de vous.

Je me donne en passant ces conseils à moi-même car il n’est pas toujours évident de les appliquer.

Que pensez-vous de la situation de la femme au Maroc ?

Je vais parler d’elle surtout sur le plan artistique. La création féminine marocaine est en pleine expansion, ceci témoigne de leur propre épanouissement dans ce domaine. Elles assument leur passion et prennent le choix d’en faire leur profession. Les artistes marocaines n’avaient pas autant d’opportunité autrefois pour montrer l’étendue de leurs capacités. L’émancipation de la femme dans l’art a aussi été favorisée par l’expression et la multiplication des « moyens de communication » comme les galeries d’arts, les expositions, les biennales, les rencontres et évènements culturels…

Votre avis sur le site ?

Une initiative qui aide la femme en général et la marocaine en particulier à témoigner de sa passion et parler de son parcours, un simple passage d’un interview peut être un déclic pour un lecteur ou une lectrice, un plateau qui offre des informations utiles, des expériences et conseils dans divers domaines, avec une facilité et un plaisir d’y naviguer, un encouragement pour la femme marocaine à donner le meilleur d’elle même et en bénéficier autrui.
Je suis ravie par cet entretien, vous remercie de tout cœur et vous félicite pour ce fructueux concept.

 

Dernier mot

Je garde essentiellement en moi, l’idée, la conviction qu’il nous revient de travailler, persévérer, défendre cette passion qui nous anime avec patience du mieux que l’on peut et ne jamais baisser les bras, s’il arrive cet heureux moment où la voix devient plus facile, moins contraignante et que la pente s’adoucie, c’est que Dieu l’a permis et il ne faut surtout pas oublier ou manquer à l’en remercier. Merci Mon Dieu, à l’infini (Alhamdoulilah)

Interview réalisé par Aziz HARCHA
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