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Kyniska

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Kyniska, Première championne olympique
(IVe siècle avant J.-C. / Grèce)

Dans l’Antiquité grecque, l’exercice du corps est primordial. Chaque cité a son stade et son gymnase, et des rencontres publiques ont lieu régulièrement, notamment à Delphes, Némée ou Corinthe. Mais les compétitions les plus célèbres, celles qui aujourd’hui encore incarnent à nos yeux la genèse du sport, sont bien sûr les jeux Olympiques. Durant près de mille ans, les cités grecques si souvent ennemies remiseront leurs armes au vestiaire tous les quatre ans pour célébrer à Olympie, le temps d’une trêve sacrée, l’harmonie entre les hommes et l’hellénisme fédérateur.

Qualifiés d’« olympioniques », les champions – considérés comme des demi-dieux – sont comblés d’honneurs et de largesses. Mais qu’en est-il des « championnes » ? Existent-elles seulement dans ce monde grec où l’on vénère des divinités féminines, mais où la femme est plus éloignée de la citoyenneté qu’un étranger ou un esclave ?

Pas de femmes aux jeux Olympiques…

Durant les jeux Olympiques, seule la présence des petites filles et de la prêtresse de Déméter est tolérée dans l’enceinte sacrée. Non seulement les femmes mariées ne sont pas autorisées à participer aux Jeux, mais il leur est également formellement interdit d’y assister, sous peine de mort ! Être précipitées dans le vide du haut du mont Typaion, voilà ce qui attend les épouses trop curieuses…

Cette règle terrible souffrira au moins une exception fameuse : celle d’une mère de famille nommée Calipatira qui se déguisera en entraîneur pour pouvoir assister au triomphe de son fils. Découverte, elle sera  finalement graciée, car sa famille comptait – outre son fils – de nombreux olympioniques.

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D’où vient que les femmes soient ainsi proscrites ?

Officiellement, on invoque des raisons religieuses. Officieusement, on cherche surtout à éviter que ces dames n’établissent entre leurs époux et les athlètes – concourant nus comme des vers – des comparaisons morphologiques qui pourraient tourner au désavantage des maris et encourager l’adultère ! À défaut d’offrir aux dames d’alors l’édifiant spectacle de corps musculeux et huilés, dont l’Hermès de Praxitèle exposé au musée d’Olympie nous donne aujourd’hui un appétissant aperçu, les athlètes de la Grèce antique nous ont laissé en héritage le noble mot de « gymnastique ». Car gymnos en grec ne signifie pas autre chose que… « nu » ! … mais des Spartiates en tunique courte

Des Jeux féminins existent pourtant bien : les jeux dits « Héréens », organisés en l’honneur d’Héra, l’épouse de Zeus, célébrée comme son époux à Olympie. Ils ont lieu quinze jours après les Jeux masculins.

Ces dames retroussent leur tunique pour courir et celles qui remportent les épreuves reçoivent, en plus de la couronne d’olivier, un quartier de boeuf destiné, non pas à finir en souvlaki – que l’on se rassure, ce n’est en rien une façon de signifier aux participantes que leur place est à la cuisine –, mais à être pieusement déposé sur l’autel d’Héra.

Ces championnes font alors figure d’exception, car la plupart des jeunes filles grecques ne reçoivent aucune éducation physique. En fait, seules les petites Spartiates bénéficient d’une formation comparable à celle des garçons. Il s’agit d’ailleurs là d’une singularité notable dont s’offusque le reste de la Grèce. À Sparte, les jeunes filles pratiquent, tout comme les garçons, l’athlétisme, la lutte, le lancer de javelot et de disque dès le VIe siècle avant J.-C. Les habitants de Phtie, en Thessalie, en sont outrés et leur roi, Pélée, juge intolérable la liberté dont jouissent ces femmes.

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Comment s’étonner qu’Hélène ait été enlevée par Pâris si les Spartiates laissent courir leurs femmes les cuisses nues et la tunique flottante ? Elles ne sont que des « montre-cuisses », raillent les poètes !

Dans un tel contexte, il n’est pas surprenant que la seule et unique femme ayant jamais remporté une couronne olympique au cours des Jeux masculins ait précisément été spartiate. Elle se nommait Kyniska.

À Olympie, la couronne la plus belle, la plus prestigieuse, est celle que remporte au dernier jour des Jeux le vainqueur du quadrige, une course de chars tirés par quatre chevaux de front. Descendre dans l’hippodrome est un privilège et un honneur suprême que briguent et envient les plus grands.

Comme dans toute autre discipline, les compétiteurs doivent être grecs, de sorte que lorsque Alexandre en personne voudra engager ses chars dans la course, il devra auparavant prouver qu’il appartient bien à la grande famille des Hellènes.

Quant à l’épreuve elle-même, elle est effrayante. Les équipages doivent parcourir douze fois l’hippodrome dans sa longueur en tentant d’éviter à chaque tour une borne meurtrière ne laissant à leurs chars qu’un étroit passage. Les concurrents se croisent, se heurtent violemment dans un nuage de poussière. Les collisions fréquentes épouvantent les spectateurs autant qu’elles les échauffent et exposent les compétiteurs à de nouveaux obstacles à mesure que la course progresse.

Fort heureusement, il est possible de prétendre à la victoire sans pour autant jouer les auriges. Il suffit pour cela d’être propriétaire d’un équipage. Et voici précisément la subtilité réglementaire qui va permettre à une femme de concourir aux jeux Olympiques. Les faits sont relatés par Plutarque.

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Agésilas II, roi de Sparte, soucieux de la renommée de sa famille, encourage sa soeur Kyniska à faire concourir ses chevaux à Olympie. À deux reprises, en 396 puis en 392 avant J.-C., l’aurige entraîné par la princesse lacédémonienne va remporter la course, ce qui va placer les hellanodices en robe de pourpre – comprenez les juges – dans une situation inédite : comment, en effet, remettre la couronne à Kyniska alors que ’accès à l’enceinte sacrée est interdit aux femmes ? Ils contourneront finalement sans peine cette difficulté en lui remettant la couronne d’olivier hors les murs.

Déjà, en son temps, cette victoire qui restera unique dans l’histoire des Jeux est perçue comme un événement tout à fait exceptionnel et célébrée avec tout l’éclat possible. Sparte fait ériger un monument en l’honneur de Kyniska, comme il est d’usage de le faire pour les plus grands olympioniques. Elle fait même consacrer dans le temple de Delphes un char d’airain attelé de quatre chevaux et fait de monumentales offrandes au sanctuaire d’Olympie. Après sa mort, Kyniska fera l’objet d’un culte héroïque à Sparte où elle sera présentée comme modèle aux jeunes filles de  la cité.

Seule femme dont mille ans d’olympisme aient conservé le nom, la Spartiate Kyniska ouvre en beauté notre galerie de portraits.

Extrait du livre : Championnes

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