Interviews

Mouna Abrouq

Analyste en Finance Durable

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Pouvez-vous vous présenter SVP ?

Mouna Abrouq, 35 ans, Analyste en Finance Durable

Racontez-nous votre parcours

De formation Ecole de Commerce, je me suis spécialisée en Management de Projets Solidaires et
Durables et ai complété ma formation par un Master professionnel en Stratégies RSE. J’ai réalisé mes
premières expériences professionnelles en France, mon pays d’adoption où j’ai vécu une dizaine
d’années avant de retourner au Maroc en 2015. De la gestion de projets à caractère environnemental
et social, à la finance durable, en passant par la Qualité, l’événementiel durable et l’audit RSE, j’ai
occupé différents postes qui ont du sens pour moi, au sein de structures dont je partage les valeurs et
qui sont engagées aussi bien en faveur de la communauté que de notre planète.

Comment est née cette passion pour le Durable :

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été sensible aux problématiques sociales, plus jeune j’ai
souvent participé en tant que bénévole à des initiatives visant le développement de la solidarité locale.

Toutefois, je crois que c’est mon expérience en Finance de marché pendant la crise des subprimes,
tout juste avant le choix de ma spécialité qui a créé un déclic. Ce fut une année décisive dans mon
parcours académique et la construction de mon projet professionnel.

J’ai pris conscience de l’importance d’ « humaniser » l’économie et de la reconnecter avec les enjeux sociétaux. La dimension sociale et environnementale manquait à l’appel ! Travailler dans le « durable », ce concept de nos jours hélas bien souvent galvaudé mais dont le développement devient une absolue nécessité dans le contexte actuel, m’a permis à travers les missions que j’ai pu mener, de contribuer à la mise en place de modes de gestion plus respectueux des valeurs éthiques, sociales et environnementales.

Quels sont les événements ou les moments ou événements qui ont changé votre vie :

Je pense à deux évènements marquants :la maternité et mon retour au Maroc. Dès lors que j’ai su que
j’attendais une fille, plusieurs questions ont spontanément envahi mon esprit : quelles valeurs
voudrais-je partager avec elle ? quelle éducation donner à mon enfant pour faire d’elle une femme
responsable et épanouie ? quelles actions mettre en place pour lui assurer un bel avenir ? Mon retour
au Maroc a également constitué un tournant. J’ai dû très vite faire face aux difficultés que rencontrent
les marocains qui choisissent de retourner au pays. Mon amour pour la patrie, ma confiance dans les
changements opérés depuis les dernières années et la conviction profonde que je ne pourrais être
heureuse que dans mon pays m’ont permis de très vite surmonter ces difficultés.

Lire aussi :   Leila Bahsaïn

 

Quels sont vos projets à venir :

Un projet de recherche sur un sujet qui me tient à cœur, en lien avec la RSE et le développement socioéconomique en Afrique.

 

Quel est votre conseil pour les femmes qui veulent réussir :

Ayez un/des objectif(s), faites des projets et donnez-vous les moyens de les faire aboutir !
La réussite est définie et vécue différemment d’une femme à une autre et particulièrement dans des
pays en développement. Elle prend encore plus d’importance dans le contexte actuel au regard des
difficultés que nous pouvons rencontrer et des inégalités hélas toujours marquantes !

Que pensez-vous de la situation de la femme au Maroc :

C’est avant tout une question de Droits, mais pas que ! Il est incontestable que la situation de la femme a évolué au cours des deux dernières décennies, notamment depuis la révision de la Moudawana en 2004, mais il reste beaucoup à faire encore.

Je suis particulièrement sensible à cette question, sans pour autant me retrouver totalement dans ce
que l’on appelle le « féminisme », d’abord en tant que femme, puis en tant que maman d’une fille,
mais aussi à travers mon activité, et les questions relatives à la non-discrimination, l’égalité
Femme/Homme, etc. Je vais répondre à la question de mon point de vue, sans prétention aucune car
je ne suis ni sociologue ni spécialiste de la question. Les Droits Humains, un sujet universel qui a été
remis sur la table ces derniers mois au Maroc quand on parlait de libertés individuelles et puis
dernièrement pointé par le rapport de la Commission sur le modèle de développement est selon moi
le cheval de bataille de notre Maroc, qui d’ailleurs reconnait l’égalité entre les genres dans sa
constitution (article 19). Certaines dispositions légales (avortement, héritage, tutelle, droit de garde,
etc.), connus de tous par les débats sans issues qu’ils créent depuis des années et que plusieurs
associations œuvrent continuellement à faire changer, restent tout de même appelons-le « nonégalitaires ». Revenir sur leur référentiel, remettre en cause leur compatibilité avec notre réalité
sociale et le Maroc d’aujourd’hui, débattre de leur applicabilité et de la jurisprudence qui pourrait être
une issue dans certains cas est en soi un pas vers le changement. Entre temps la Femme marocaine
« subit ». Ce sont des milliers de femmes, des mamans qui éduquent les générations futures, celles
qui feront le Maroc de demain qui payent chaque jour le prix fort de ces inégalités et les chiffres
actuels ne laissent aucun doute sur cette réalité.

Lire aussi :   Nadia Yasin

J’aimerais aussi pointer du doigt une autre question. Quand on parle des femmes, de leur
employabilité, de leur contribution à l’économie, etc., nous avons tendance à mettre en marge un
point très important : le travail non rémunéré et que l’on voit particulièrement en milieu rural, où la
femme travaille dans les champs et à la maison sans compensation financière. Cette catégorie
vulnérable de la population doit pouvoir être prise en compte. Certaines actions louables ont été
déployées, à travers notamment la mise en place des séances d’alphabétisation, la promotion de
coopératives artisanales et agricoles…mais elles restent tout de même orphelines. Il s’agit ici de
reconnaitre la contribution de ces femmes à l’économie du pays et de permettre leur autonomisation
financière à travers des stratégies de développement complètes et inclusives.

Un dernier point sur lequel nous pouvons tous agir, chacun à son niveau : les mentalités ! à travers
déjà notre système éducatif mais aussi la sensibilisation de l’opinion publique.

Votre avis sur le site

Une belle initiative. Partager les témoignages de femmes marocaines, ayant des parcours et points de
vue différents peut être inspirant pour les jeunes générations. Vous contribuez ainsi à l’effort de
sensibilisation dont on parlait précédemment.

 

Dernier mot

« L’admission des femmes à l’égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation, et elle
doublerait les forces intellectuelles du genre humain ». Un dernier mot et une réflexion ouverte
inspirés de Stendhal, au XIXème siècle rappelons-le !

 

Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Juin 2021

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