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Djaïli Amadou Amal

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Née en 1975 à Maroua, militante féministe et femme de lettres camerounaise d’expression française Djaïli Amadou Amal est une passionnée de lettre engagée contre les discriminations sociales et la condition de la femme dans le Sahel. Produit d’un père camerounais et d’une mère égyptienne a été envoyée en mariage alors qu’elle était âgée de 17 ans seulement. Elle réussit 5 ans plus tard soit en 1998 à quitter son mari ; elle fait un nouveau mariage et 10 ans plus tard, elle quitte son 2e époux qui aurait été violent.
Elle s’installe ensuite à Yaoundé et commence son voyage avec la plume : elle va produire plusieurs romans à succès. Le premier intitulé « Walaande, l’art de partager un mari », paru en 2010. Cette œuvre est un témoignage autobiographique d’une femme qui a vécu cette situation de l’intérieur, elle raconte l’histoire de quatre femmes vivant dans la même concession et qui ne font qu’attendre leur tour auprès de leur époux. Son deuxième roman, « Mistiriijo », la mangeuse d’âmes, paru en 2013 la hisse davantage au sommet.

MUNYAL, troisième roman de l’auteur Djaïli Amadou Amal, ce chef d’œuvre littéraire s’impose comme un récit âpre et oppressant, épousant les points de vue de trois jeunes femmes musulmanes dans la ville de Maroua au Cameroun – Ramla, Hindou et Safira. L’auteur choisit de leur donner la voix, en faisant les narratrices successives d’histoires qui se répondent et s’avèrent, en fait, sensiblement les mêmes.
Des femmes passives, complètement inféodées à des pères, oncles et maris surpuissants ; quasi assignées à résidence dans des prisons dorées, ne pouvant même pas étudier le plus souvent – l’obtention du bac relevant, dans ces conditions, du luxe ou de l’effronterie. Munyal, en langue peule, veut dire patience, endurance, tolérance, persévérance, maîtrise de soi, mais aussi, on le voit, résignation, étouffement, absence de liberté et de prise d’initiative, privation, souffrance, tristesse et « larmes » donc, directement associées à ce terme dans le titre.

L’écriture nous plonge dans une situation et un contexte qui est vécu par beaucoup de femmes en Afrique en général et au Cameroun en particulier. Un système dans lequel les femmes sont privées de voix, où le manque de perspectives et de solutions de femmes acculées se révèle flagrant. Fuir est peu réaliste – la fugue d’Hindou à Ghazawa se solde par un échec – se suicider également inenvisageable – vu les effets corollaires qui s’enclencheraient derechef, notamment sur la mère concernée.

L’autrice camerounaise dénonce avec courage un système redoutable, fait de coutumes barbares jamais mises en doute, pareil à une machine mise sur pied pour détruire sans merci les êtres et les destins. Ce voyage littéraire dénonce les violences physiques et psychologiques liées à ce système – à l’image du personnage de Moubarak, qui manque de peu de tuer sa propre épouse alors qu’il est saoul et en proie à la drogue – et généralement perçues avec laxisme et indulgence, comme dans le cas précis. Il est nécessaire, urgent, important – tel un réquisitoire, une démonstration contre les conditions inhumaines auxquelles ces femmes-là, et tant de femmes à travers elles sont assujetties sans pitié.

Remarquons quand même une légère note d’espoir puisque dans le dénouement, Ramla, répudiée par son mari Alhadji, aurait rejoint son amoureux Aminou, auquel elle était initialement destinée et avec lequel elle projetait de s’épanouir en Tunisie, lui comme ingénieur, elle comme pharmacienne. Ce combat en lettre a valu à l’autrice en mai 2019 le Prix de la Fondation Orange : une marque que malgré tout ce combat est reconnu et soutenu…Nous vous invitons à déguster sans modération ce bijou littéraire qui ne laisse aucune âme sensible de marbre !

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