Bonjour, avant tout, pouvez-vous vous présenter SVP ?
Intissar Jbiha, passionnée d’arts, de médias et de justice sociale et Directrice des Opérations d’Artcoustic Studio.
Racontez-nous un peu votre parcours
Baignant et se nourrissant d’art depuis toute petite et le long de mon parcours estudiantin à travers le théâtre, le cinéma, Les arts du cirque et l’activité associative, c’est après un Master de Cinéma à la Sorbonne que j’ai pris le chemin de retour au pays pour y apporter ma contribution.
Comment est née cette passion pour la Prod ?
Comme une grande majorité d’étudiant-e-s en art cinématographique, c’était à la base dans l’écriture de scénario et la réalisation que je trouvais mon épanouissement. Confrontée aux difficultés d’un secteur très fermé, peu structuré et dont les « dirigeants » et « preneurs de décisions » sont parfois dénués de sens ou de culture artistique, et si existants très eurocentrés ou orientalistes… Doublé d’une « 7egra » propre aux milieux à dominante masculine. Au-delà de la question nécessaire de la parité en production et réalisation par des femmes, il y a surtout l’image déplorable pleine de clichés véhiculés dans le cinéma et les médias, on sait qu’on a encore du chemin à faire…
Il m’est apparu nécessaire de me frayer un passage dans le milieu de la production pour structurer et former des équipes, accompagner des visions, produire des projets, découvrir des talents et faire éclore des productions audiovisuelles et cinématographiques.
Ce qui ne m’a pas empêché de garder un pied dans la création à travers l’écriture de sketchs, des chroniques et éditos chez Radio 2M, des concepts audiovisuels…
Quels sont les moments ou événements qui ont changé votre vie
Si je devais en citer qu’un c’est clairement mon expérience à Paris en temps que jeune étudiante de 19 ans et d’y être restée 6 ans. Curieusement, c’est loin de mon pays, que je me suis rapprochée le plus de mon identité nord africaine. Expérience importante pour remettre en question le regard de l' »autre » sur « nous », positionner son regard sur soi. De là, naîtra l’envie de chercher à s’imprégner d’art africain, amazigh, arabe et de se fixer la volonté d’œuvrer artistiquement et culturellement dans des projets qui nous ressemblent. Enfin, de ne cesser sans cesse de remettre en question et déconstruire pour reconstruire une identité à travers nos expressions artistiques.
Quels sont vos projets à venir ?
J’ai l’envie dans un moyen ou long terme de participer à la formation de jeunes étudiants en art afin de transmettre et former à la décolonisation de nos regards. Etendre ce que je fais déjà avec mes équipes, auprès de jeunes lauréats biberonnés au cinéma occidental, découvrir ensemble nos couleurs, notre narration, notre voix, notre rythme, dans notre pluralité, mais par nous car c’est en pensant par nous-même que nous parlerons au reste du monde.
Quel est votre conseil pour les femmes qui veulent réussir ?
Chacune à sa propre conception de la réussite.
Mais je dirais, si nous voulons un meilleur environnement où évoluer et tout-e-s réussir: D’abord lutter pour une école publique gratuite et faire en sorte de vivre dans un Maroc avec moins de disparités…
Essayer de gommer autant que faire se peut toutes formes d’injustices sociales, de genres ou ethniques…
Et lutter pour une vie digne pour tout-e-s.
Que pensez-vous de la situation de la femme au Maroc ?
La conquête de nos droits ne se fera pas dans la passivité. Il faudra être solidaire les unes avec les autres. Remettre en question l’éducation machiste et élever nos enfants dans le respect. Le chemin est encore long mais il a déjà été entamé, notamment par de très nombreuses associations qui œuvrent dans ce sens et heureusement qu’elles existent. Elles ont permis de changer des vies et d’apporter une main à celles qui se sont vues bannies, punies, jugées, rejetées…
Aujourd’hui elles sont épanouies et sereines. C’est plutôt ça que je préfère voir et que je préfère poursuivre comme chemin pour continuer le combat.
Votre avis sur le site ?
« Moubadara tayiba »… J’espère qu’il y a des femmes derrière.
Et j’attendrai avec impatience de nouvelles rubriques: Actions sociales féministes, les femmes qui ont marqué l’histoire et la culture marocaine et participer à véhiculer une image moins stéréotypée des femmes.
Dernier mot ?
Je vous remercie pour cet interview, qui permet de faire une petite pause et une synthèse lorsqu’on est pris dans le tourbillon quotidien. Je remercie également les lectrices et lecteurs qui sont venus à bout de ces lignes. Et je vous souhaite une très bonne continuation.
Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Juin 2021