InterviewsLes femmes d'Afrique

Nadia Khachan

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1- Bonjour, avant tout, pouvez-vous vous présenter, nous raconter votre parcours et vos activités

Bonjour ! Je m’appelle Nadia Khachan, j’ai 34 ans et je suis juriste et maître spécial en gestion fiscale. Je suis de nationalité belge et d’origine marocaine (de Casablanca et Agadir).

J’ai entamé des études de droit à l’EPHEC. J’étais à l’époque âgée de 17 ans et je n’avais pas du tout confiance en moi ! J’étais très attirée par le droit mais les auditoires d’université m’impressionnent de trop : j’ai donc étudié le droit en haute école, à l’EPHEC. Le week-end, je travaillais en tant que caissière pour pouvoir payer mes études et mes codes.

Après avoir réussi mes examens avec brio, j’ai décidé de rejoindre les bancs de l’université : j’ai choisi la Solvay Business School of Management, dans laquelle j’ai suivi un Executive master en gestion fiscale. Il s’agit d’un programme dispensé en horaire décalé : je travaillais donc en tant que juriste le jour et j’étudiais le droit fiscal en soirée, ainsi que le samedi matin. Durant cette période, j’ai également décidé de peaufiner mes connaissances linguistiques en néerlandais et en anglais. Ces deux années de master ont été quelque peu intenses mais tellement enrichissantes !

Concernant les autres activités qui me tiennent à cœur, je profite de mon temps libre pour pratiquer la boxe thaïlandaise dans un club à Molenbeek-Saint-Jean (Bruxelles) : la Champion’s Academy. Mon autre activité favorite est de passer du temps avec mes 5 neveux et nièces.

2- Et votre vie professionnelle

J’ai commencé ma carrière de fiscaliste en 2012 auprès de Deloitte, puis chez EY. En 2016, une opportunité s’est présentée à moi pour travailler dans le monde du cinéma : j’étais alors Tax & Investment consultant, je levais des fonds dans le cadre du Tax Shelter et je formais les professionnels des chiffres en matière de traitement comptable et fiscal relatif au Tax shelter. Une expérience résolument enrichissante et unique !

En 2018, au bord de l’épuisement professionnel, je décide de faire une pause : me voilà alors plongée dans une nouvelle aventure professionnelle à Agadir, au Maroc, dans un domaine complètement différent du mien mais qui m’a toujours passionné : l’immobilier.

C’est en 2021 que je décide de revenir en Belgique pour revenir à premiers amours qui sont le droit et la fiscalité : c’est ainsi que je rejoins BNP Paribas Fortis en tant que Head of Compliance Fiscal Deontology. C’était un défi car je n’avais aucune expérience en matière bancaire ! Les défis font partie intégrante de ma vie et me procurent une énergie incroyable.

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Aujourd’hui, j’ai l’honneur de travailler au sein de la banque privée Puilaetco (appartenant au groupe paneuropéen Quintet) dans laquelle j’y occupe un poste de « Senior AML Officer ». Mon rôle principal est de m’assurer que notre banque est en ligne avec les différentes dispositions législatives et les exigences du régulateur en matière d’anti-blanchiment d’argent.

3- Et pourquoi ce secteur d’activité

Le secteur bancaire, et plus précisément l’anti-blanchiment d’argent & les crimes financiers, sont très intéressants et très stimulants : ils composent un environnement dans lequel je peux mettre à profit mes expériences et compétences.

4– Quels sont vos projets à venir ?

Je ne parle jamais de mes projets avant qu’ils ne se concrétisent. Je dirais juste que le meilleur reste à venir !

5- Quels sont les moments ou événements qui ont changé votre vie

Il y a un événement qui a particulièrement marqué ma vie, que je souhaiterais mettre en lumière, par pour parler de moi mais plutôt pour sensibiliser celles et ceux qui pourraient être confrontés au même type situation.

A l’âge de 15 ans, j’étais une jeune étudiante et j’ai été victime de harcèlement scolaire. Étant de nature particulièrement hypersensible, ce harcèlement m’a affectée au plus profond de mon être. La méchanceté des filles qui m’ont harcelée à cette époque m’a détruite, au point d’en perdre l’usage de la parole. Je n’étais plus capable de parler, aucun mot ne pouvait sortir de ma bouche, et ce calvaire a duré deux semaines, ce qui m’a semblé être une éternité, avec toutes les angoisses relatives à cet événement. J’aimerai sensibiliser un maximum de personnes à propos du harcèlement scolaire, qui détruit des enfants mais aussi des adultes. Cela peut mener à des situations de non-retour. Pour ma part, je me suis servie de cette douloureuse expérience pour me forger le caractère que j’ai aujourd’hui, pour être devenue celle que je suis aujourd’hui.

Je voudrais ajouter que, de manière générale, ce sont plutôt des rencontres humaines qui ont changé ma vie, car j’ai eu la chance durant mon parcours de croiser le chemin de pas mal de personnes qui m’ont inspirées, dont en voici quelques-unes :

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La première est ma mère, qui a quitté sa ville natale (Casablanca), où elle y a étudié la dactylographie pour rejoindre l’homme qu’elle aime en Belgique. Elle a tout laissé derrière elle pour ouvrir un nouveau chapitre de sa vie. Elle a fait preuve de beaucoup de courage et d’énormément de patience. Elle m’inspire énormément. Pour la petite histoire, mon père était déjà en Belgique avant leur union. Il a été envoyé du Maroc, dans les années 60, pour travailler à l’ambassade du Maroc à Bruxelles, en tant que chef cuisinier personnel de l’ambassadeur.

Durant mes études de droit, c’est Hélène Paulis qui m’a fortement inspirée, elle m’a encouragée à continuer mes études après l’obtention de mon diplôme en droit. Elle m’a marquée durablement car elle a passé des années au Maroc, plus précisément à Tanger, à dispenser des cours d’alphabétisation à des femmes marocaines qui n’avaient pas eu l’accès à l’enseignement durant leur jeunesse. Un bel exemple !

Durant mon Master en droit fiscal, c’est Thyphanie Afschrift qui m’a marquée : elle est la présidente du programme à la Solvay Business School of Management. Son nom n’est pas à refaire en Belgique (et dans beaucoup d’autres pays d’ailleurs). Elle maîtrise à la perfection les moindres détails et subtilités de tous les volets fiscaux. Elle est également dotée d’un esprit particulièrement créatif lorsqu’elle analyse une problématique fiscale. Si vous avez un jour l’opportunité de la rencontrer ou d’assister à l’une de ses conférences, n’hésitez certainement pas !

Geneviève Lemal, CEO de Scope Invest et de Scope Pictures, a commencé sa carrière dans le secteur bancaire, pour finalement se consacrer à sa passion : le cinéma. Elle a travaillé comme une acharnée pour créer ces sociétés qui sont à l’origine de films très connus tels que « La vie d’Adèle », « Potiche », « Walter » et enfin, une sortie récente « Amal » : un film qui a pour vocation de lutter contre l’obscurantisme.

Et « last but not least”, je cite volontiers Ludivine Pilate, CEO de Puilaetco, qui est un véritable modèle inspirant pour les femmes, qui a su et qui continue de démontrer que la méritocratie et le talent prime sur tout le reste. Il ne faut jamais rentrer dans les cases préétablies mais plutôt assouvir ses rêves, qu’ils soient professionnels ou personnels !

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6– Quel est votre conseil pour les femmes qui veulent réussir ?

Selon moi, il n’est pas question de sexe ici. Toute personne souhaitant réussir doit se fixer un objectif clair, un plan d’action, du travail, beaucoup de travail, de la patience et énormément de persévérance. Go for it !

7- Votre avis sur la situation de la femme

En Belgique, nous avons encore du travail à faire ! Lorsque l’on voit les inégalités salariales entre les hommes et les femmes, il y a encore un beau terrain d’évolution. Selon Statbel, pour un même poste et les mêmes responsabilités, une femme gagne 4,5% de moins qu’un homme (pour la tranche d’âge 35-44 ans)(1).

Au Maroc, pour y avoir travaillé pendant 3 années consécutives, j’ai mieux gagné ma vie que mes compères masculins… J’espère qu’ils ne liront pas cette interview !

On pense parfois (à tort) que la femme marocaine est limitée dans son rôle et ses responsabilités, mais il n’en est rien. Les femmes sont présentes dans toutes les sphères de la société au Maroc. Il n’a jamais été question d’inégalités salariales et ce tout secteur confondu. Un taximan ou une taxi woman auront le même salaire pour un même travail, idem pour un avocat et une avocate !

8– Votre avis sur le site ?

Ce site internet est une splendide initiative, merci de m’avoir honorée en me proposant cet interview. A quand une version pour les hommes ?

9– Dernier mot ?

L’avant dernier mot : ne jamais abandonner, ni perdre espoir, quelle que soit la difficulté de l’épreuve que l’on vit. J’en suis la preuve vivante 😊

Le dernier mot va à ma famille, particulièrement à ma mère, ma meilleure amie et ma confidente. Mais aussi les trois hommes de ma vie : mon père et mes deux grands frères.

Enfin, je ne peux aborder tous ces sujets sans faire de lien avec Abdelhak Labib, mon oncle maternel, qui malgré les 3.000 km qui nous séparent est mon meilleur conseiller. Sa charmante épouse ainsi que leurs deux enfants qui sont mes complices de toujours, Mohamed Ali et Choukri : si vous lisez ces quelques lignes : je vous remercie du fond du cœur pour le soutien et l’amour inconditionnels que vous m’apportez au quotidien.

 

Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Février 2024

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