Interviews

Fatine Moubsit

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– Bonjour, avant tout, pouvez-vous vous présenter, nous raconter votre parcours et vos activités

Fatine Moubsit, (alias introspectus), artiste Slameuse poétesse éditée. Championne de la coupe du Maroc de Slam Poésie en 2018, ambassadrice de la Coupe d’Afrique de Slam Poésie au Maroc, présidente du collectif Slamaroc et membre de la ligue Slam de France. J’ai sorti mon premier recueil de poésie en Septembre 2021 au Maroc aux Éditions Falia (Beni Méllal) ; la signature officielle a eu lieu le mercredi 16 Mars 2022 à Beni mellal au centre culturel les arbres pour célébrer cette naissance symbolique qui a tant attendu en raison du contexte sanitaire.

J’ai participé à de nombreux festivals notamment le Festival Slam Solidaire de grasse en 2021, une belle aventure qui se renouvelle cette année en Mai 2022 dans une édition nouvelle qui s’annonce merveilleusement bien.

D’autres festivals auxquels j’ai été invité: Le Festival International de Slam poésie en Acadie pour deux éditions ; Festival International N’djam s’enflamme en Slam et le Slameroune, ainsi que le Festival Écran Slam au Cameroun.

En 2014 je remporte le 1er prix de la francophonie du monologue et de la poésie et en 2015 le 1er prix du concours Slam à l’occasion de la journée européenne des langues organisée par les instituts de langue au Maroc à Casablanca. (Les centres Français, Italien, anglais et allemand).

Du statut de participante était venu la nécessité de migrer au statut d’organisatrice de ces évènements, tentant d’y mettre davantage ma propre touche artistique.

Je suis également chargée de direction de projet artistique en lien avec le slam au Maroc. De Mai à Décembre 2020, j’ai organisé la deuxième édition de la coupe du Maroc de Slam poésie, un événement qui était attaché à la coupe d’Afrique de Slam Poésie qui s’organise tous  les deux ans.

Par La suite était venue la nécessité de créer un évènement indépendant, propre à nous, D’KLAM Morocco’s Poetry Slam, un championnat national de slam poésie que je dirige cette année 2022 et qui a eu lieu le 19 et 20 Mars à L’Uzine le centre culturel de Casablanca, notre partenaire officiel lors de cette édition 2022. C’est un projet réalisé à travers l’union de trois collectifs pionniers dans le Slam Poésie au Maroc « G38’, Slamaroc et Moroccan Poets », le fruit d’une collaboration justifiée par la passion et l’amour que chacun de nous porte singulièrement pour cet art oratoire.

– Et votre vie professionnelle ?

Je suis Psychologue clinicienne de formation, et Co-fondatrice de Let’s Get Psyched Up, un dispositif dédié à la promotion d’une psyché en mouvement et des métiers impossibles qui s’y rapportent : éduquer et soigner. Au cœur de ce dispositif, j’ai commencé à animer des ateliers de médiations thérapeutiques par le Slam. Je suis également chargée du programme Parler cancer pour l’accompagnement et le soutien des personnes souffrant de cancer et leurs proches.

– Et pourquoi ce secteur d’activité ?

J’ai fait le choix de porter un statut double, celui d’artiste et de psychologue clinicienne.. Une double casquette qui fraye le chemin aux mots et à la parole !

La psychologie ouvre sur des perspectives d’exploration de soi que le processus créateur emprunte pour sublimer le brut et en faire une œuvres d’art. J’ai envie de dire que ce sont deux pratiques et deux façons d’être qui s’accordent et se conjuguent ensemble. Une sorte de va et vient continue comme si, d’une part, l’artiste en moi partait se nourrir de clinique psychanalytique et revenait, et d’une autre part, la clinicienne en moi cherchait une autre façon d’être que lui permettait l’univers artistique. C’est à la fois un retour à soi, vers soi et sur soi.. Comme une sorte d’aller-retour pour consulter ma psyché et créer la passerelle à mes affects pour qu’ils soient subjectivés et symbolisés.. et surtout leur permettre de se dire.. et dès qu’il y a dire il y a désir de partager.

Je dirai que le slam a permis à ma pratique de psychologue clinicienne en perpétuelles constructions et remises en question, d’advenir autrement. C’est toute une clinique du slam poésie qui se mettrait en scène, où le parfait n’est pas le bienvenue et où le manque, le vide, l’ennuie, le répugnant, le dégoûtant trouverait un espace pour être accueilli.. questionné et mis en mot .. sublimé.

Lire aussi :   Fatime Zahra Morjani

L’idée fut de « Faire de l’art tissé aux métiers de la psyché humaine ma vocation. »

Mon choix de nom de scène « Introspectus »  est venu nommer et couronner surtout tout le travail psychique et cathartique que j’ai fait le choix de commencer et d’entretenir dans mon parcours de vie. Je dirais que sûrement mon choix de nom de scène est lié à ma formation de psychologue clinicienne d’inspiration analytique, car la formation en soi  n’est pas qu’une simple formation, mais un processus de vie, faisant appel au subjectif et au singulier en chacun de nous. Mes années d’analyse aussi y sont pour beaucoup dans ce choix.  Introspectus était pour moi le mot et le nom qu’il fallait ; faisant allusion au processus d’introspection dans lequel s’inscrivent mes textes qui s’articulent autour d’une dimension autobiographique cathartique, faisant de mes mots un moment intense de remise en question remuant le familier étranger, le brut en moi-même; un instant où je vis mes mots, entre autres mes maux tout en les faisant vivre.

– Quels sont vos projets à venir ?

Dans le domaine artistique : D’KLAM Morocco’s Poetry Slam

L’organisation de la première édition de D’KLAM, au-delà d’un simple concours, est la concrétisation d’un concept visant à transplanter et promouvoir la culture du Poetry Slam au Maroc. Un concours que nous souhaitons mettre en place annuellement et qui serait un véritable tremplin pour de l’ouverture des jeunes marocains sur les autres cultures Poetry Slam tout en faisant rayonner la richesse culturelle marocaine et ce mondialement, faisant voyager la diversité linguistique et culturelle du pays à travers le monde. Là où chaque artiste marocain serait un symbole porteur d’une identité marocaine, d’une culture marocaine, représentant un pays qui est le Maroc et étant un porte-parole d’une jeunesse marocaine qui s’exprime.

En plus de l’honorable Titre de champion du Maroc, et au-delà de la symbolique du prix, le champion sera attendu et accueilli à la Coupe du Monde de Slam Poésie ainsi qu’à la Coupe d’Afrique de Slam Poésie.  En plus de cela, nous avons pu créer des passerelles artistiques à travers le monde avec un nombre de structures, de festivals notamment le festival international N’djam s’enflamme en Slam au Tchad (FINES), le festival international Écran slam au Cameroun, le festival international de Slam Poésie aussi au Cameroun (Slameroun), le festival international de Slam et humour au Mali par l’association Agoratoire (FISH), le festival international de Slam poésie en Acadie (FISPA) et d’autres événements.. au Niger, au Sénégal, en Algérie, en Tunisie en collaboration avec la maison de la poésie à Tunis.

Chaque année, des artistes marocains auront l’occasion de faire le tour des festivals et de s’inscrire dans cet échange artistique dûment mis en place avec nos collaborateurs qui nous sollicitent dans leurs évènement d’éditions en éditions.

Perspectives de D’KLAM :

  • Organisation annuelle de DKLAM et ce à partir de la première édition 2022
  • Organisation des concours régionaux au Maroc « Des championnats de régions »
  • Mise en place d’un festival international annuel de Slam Poésie au Maroc et inviter des artistes professionnels étrangers. 
  • Introduire le Slam Poésie au sein des écoles et l’intégrer au programme pédagogique et organiser des concours de Slam poésie entre des écoles au Maroc. 
  • Initier à la pratique de médiation par le Slam poésie dans le domaine de la santé. 
  • Professionnaliser la pratique du Slam poésie au Maroc et ouvrir le champs pour la mise en place de formations des artistes slameurs (ses) en devenir et ce à travers des ateliers diversifiés, des résidences artistiques, des masterclass..

Nous espérons arriver à l’acquisition d’une communauté́ et à l’élargissement d’un réseau marocain des Slameurs (ses) ainsi qu’amplifier la portée des différentes actions du Poetry Slam au Maroc et à l’international. Nous souhaitons solliciter les participants et favoriser l’émergence et la découverte des divers talents qu’ont les jeunes artistes marocains et permettre leur visibilité et ce à travers aussi la mise en lumière des espace d’expression artistiques là où s’articulent les diverses problématiques que rencontrent les jeunes artistes marocains. Et mettre en place des rencontres slam tout au long de l’année qui seront ponctuelles.

Lire aussi :   Salwa AKHANNOUCH

En lien avec mon activité professionnelle : Le Slam thérapeutique 

J’ai commencé récemment à animer les ateliers de médiation par le Slam à distance et ce dans le but d’élaborer une réflexion sur la possibilité de concevoir la scène, l’espace Slam comme une sorte de scène/espace psychique, (une transposition) qu’elle soit virtuelle ou physique. Afin de pouvoir effectuer une passerelle théorico clinique et de tenter d’inscrire la pratique du slam dans un cadre qui permettrait le dépliement de la parole du sujet. Un cadre permettant surtout d’apprécier non le résultat ou la finalité mais tout le processus que le sujet aurait traversé.  Un sujet qui aurait demandé à être accompagné.

Le déroulement de ces ateliers est mouvant, comme les rencontres, et à chaque fois différent. Mais dans la trame en général ça commence par un dispositif impliquant l’écoute d’un support instrumental (une musique sans parole). Et tenter d’aborder par la suite ce que cela évoque chez la personne..

Et on commence par de petit mot à dire jusqu’à ce quelque chose émerge et on part de là ..

Ce sont des ateliers collectifs, ensuite la personne si elle souhaite en parler individuellement nous programmons une séance pour échanger à ce sujet.

Ces ateliers seraient quelque part comme une sorte d’espace, de dépôt psychique transitionnel, des souffrances psychiques, transformée en une forme nouvelle leur permettant autrement d’exister.

Et puis Souffrir devint un jour s’offrir la possibilité de véhiculer autrement ce qui fut mal vécu, de le symboliser et de le transformer et le transe-former. Une métamorphose similaire à cet état de transe psychique où les mots sans défenses s’autorisent à exister dans cet état même brut mais approchant l’authenticité.

Quelques dates et autres projets à venir : 

  • Le 07 Mai je suis invité au festival Slam solidaire de Grasse en France pour animer des ateliers de Slam poésie et pour présenter un mini spectacle.
  • Le projet d’un festival de Slam poésie au Maroc prévu en Juin et qui est en train de se mettre en place en collaboration avec la maison d’édition Falia à Beni Mellal.
  • Des signatures et présentation de mon livre sont prévues à Casablanca, Rabat et Marrakech..
  • Du 24 au 27 Juin, je suis invitées au festival international Slameroun au Cameroun
  • Et en Juillet, je suis invitée au festival Slam Nomade à Saint Louis au Sénégal. 

Ensuite, avec le Festival International de Slam Poésie en Acadie (Canada), nous tentons de croiser nos projets pour mettre en place des ateliers de Slam Poésie et passerelles de formations en lien avec le Slam Pédagogique de sorte à ce que leurs artistes puissent intervenir au Maroc et nos artistes puissent intervenir au Canada.

– Quels sont les moments ou événements qui ont changé votre vie

Pour commencer, je dirai que j’ai plutôt une vie s’enrichie continuellement par différentes disciplines que ce soit académiques comme la  psychologie, ou artistiques comme la musique la poésie. A différents moments de ma vie j’ai été à la rencontre de ces possibilités d’expression et au fur et à mesure j’ai pu construire quelque chose qui a pris aujourd’hui forme tout en me transformant !

L’écriture est le geste spontané qui me venait, mais il y avait en moi cette envie de dire, et là où il y a le dire il y a désir de partage néanmoins je précise que ce que je fais n’est pas forcément écrit pour être lu.. mais l’idée de le déposer ouvertement au monde, est une façon de les inviter à me rejoindre dans mon petit monde. Ceux qui s’y intéressent sont les bienvenus, ceux qui ne s’y intéressent pas c’est aussi un choix d’aimer et/ou de ne pas aimer.

D’une autre part, je dirais que la psychologie ouvre sur des perspectives d’exploration de soi que le processus créateur emprunte pour sublimer le brut et en faire une œuvres d’art.

C’est une sorte de va et vient continue, un retour à soi, vers soi et sur soi, qui permettait à chaque fois de remettre en question chaque pas, de déconstruire certaines choses et de reconstruire d’autres..

Il y a des choses dans mon travail d’artiste qui me questionnent et m’étonnent ça a permis à enrichir ma pratique.. et pareil dans l’autre sens.

Lire aussi :   Sabah Biborchi

Je dirai que c’est que le slam a permis à ma pratique de psychologue clinicienne en perpétuelles constructions et remises en question, d’advenir autrement.

C’est toute une clinique du slam poésie qui se mettrait en scène, où le parfait n’est pas le bienvenue et où le manque, le vide, l’ennuie, le répugnant, le dégoûtant trouverait un espace pour être accueilli.. questionné et mis en mot .. sublimé.

– Quel est votre conseil pour les femmes qui veulent réussir ?

Avant de tenter de répondre à cette question, j’ai envie de dire que quelque part nous portons en nous une multitude de vocation (l’artiste en nous)  mais la question qui se pose est si on s’autorise à faire sortir au monde ces vocations et quand et comment on se les autorise et si on se donne les moyens de les laisser parvenir jusqu’à nous .. si certains optent pour l’écriture c’est que quelque part ils se l’ont permis,

je ne sais pas si j’ai réussi à susciter des vocations, il m’arrive de recevoir des retours de la part des personnes avec qui on a eu un moment de partage là on me dit que des chemins vers l’écriture.. vers le slam poésie se sont frayés.. mais c’est quelque part parce que la personne s’est donnée les moyen pour .. moi quand je partage c’est certainement une incitation une invitation à l’autre mais si l’autre n’est pas prêt à un moment donné à la recevoir à l’accueillir.. ça n’allait pas le faire..

Et si j’ai un petit mot à passer avec cette casquette d’engagé ça sera :

Que ce soit pour les personnes qui écrivent déjà ou qui ne se sont pas encore autorisés de le faire, car tout être humain à mon sens est un être d’écrit comme de parole.. j’ai envie de dire donnez vie à vos mots, aimez-les et même s’il vous arrive de les détester, faites parler cet affect de haine.. il  parait que ça crée des merveilles ! 

– Votre avis sur la situation de la femme

On pense souvent à tort que la scène Slam ou même la scène de la vie c’est un milieu masculin. Prendre la parole que ce soit par un discours politique ou même lyrique est une manière de s’approprier l’espace public. C’est vrai que les femmes s‘émancipent et s’approprient davantage l’espace public et ont plus de visibilité ces dernières année. Et le fait de voir de plus en plus de femmes dans la scène Slam, ça ne veut pas dire qu’avant il y avait  peu de femmes qui font du slam, mais il me semble que tout est question de visibilité et de choix de le faire ou pas.

Finalement j’ai envie de dire que l’idée d’associer le slam au masculin nous amène à questionner qu’est-ce qu’il y a de masculin dans le slam ? et soulève surtout nos représentations sur le genre, l’expression du genre, et nos représentations sur le masculin des femmes et le féminin des hommes..

Tout serait affaire de représentations et de perception.. mais il est vrai qu’aujourd’hui les femmes en s’appropriant l’espace public ose et s’autorise à être de plus en plus en avant et à créer une place propres à elles qu’avant, nos représentations nous empêchaient de concevoir.

– Votre avis sur le site ?

Je trouve que le site est une belle création et un espace qui accueille et met en lumière diverses disciplines et divers talents artistiques entre autres. Donner la parole, recueillir des témoignages de parcours de personnes singulières à travers la proposition d’interview et d’article est certainement un moyen d’avancer ensemble et de construire un monde authentique et artistiquement bienveillant !

– Dernier mot ?

Si je devais porter le titre d’artiste engagée, ce serait certainement engagé pour faire parler les zones d’ombre, l’inabordable en soi..  et proposer une relecture de nos affects même les plus assombris . car oser les couleurs sombres de la vie, les laisser exister en nous, coexister avec le reste de ce qui nous constitue en tant que sujet,  me parait libérateur.

Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Mars 2022

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