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Fouzia Taouzari

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– Bonjour, avant tout, pouvez-vous vous présenter, nous raconter votre parcours et vos activités

Je m’appelle Fouzia Taouzari, je suis psychologue clinicienne et psychanalyste membre de l’École de la Cause Freudienne. J’exerce aujourd’hui en cabinet libéral après avoir travaillé dans le milieu médical et éducatif. Une autre partie de mon activité est consacrée à l’enseignement de la psychanalyse et au bénévolat dans un dispensaire de soin psychique pour les personnes en situation de précarité. Je suis directrice de ce Centre psychanalytique de Consultation et de Traitement à Nantes et j’y consulte une demi-journée par semaine. Rendre accessible le soin psychique aux plus démunis est quelque chose qui trouve un écho particulier dans mon histoire et qui me tient à cœur. J’interviens également dans une crèche associative qui a pour mission la mixité sociale et permettre à des personnes de s’insérer professionnellement sans être freinées par la garde de leurs enfants et de bénéficier d’un accompagnement psychologique. J’accompagne des femmes – souvent isolées, qui ne travaille pas, dans le chemin tortueux de la parentalité mais aussi dans ce qui fait frein dans leur vie de femme. 

 

Je suis française d’origine marocaine née de parents immigrés marocains. Mes parents sont venus en France au milieu des années 70. Mon père fait partie de la troisième vague d’immigration où face aux besoins de main d’œuvre, la France va organiser l’immigration de travail. Pour mon père, qui n’avait aucune perspective de travail digne dans son pays, cette opportunité de travailler en France lui offrait un statut – celui de travailleur ouvrier – qu’il n’avait pas. Très vite confronté à la solitude de l’exil et des conditions de vie déplorable, il retourne au pays se marier pour fonder sa famille en France. Je suis le produit de cette histoire et cela fait partie intégrante de mon parcours, de ma façon d’être au monde. Je suis le fruit de cet exil. Mon père n’a eu de cesse de me dire : travaille bien à l’école. Écoute tes professeurs. Obéis et tiens toi droite. L’école pour mon père représentait la possibilité d’être quelqu’un, d’être respecté et d’avoir une place. Pour mes parents qui n’avaient jamais été à l’école, c’était l’occasion de nous offrir le bien le plus précieux : apprendre et savoir. Après un parcours scolaire poussif – j’ai eu un déclic au collège après un redoublement – je savais que pour m’en sortir il me fallait travailler sinon je n’y arriverais pas. A partir de là, quelque chose avait changé en moi. Je prenais conscience que je pouvais changer le déterminisme de ma condition sociale d’enfant d’immigré par le désir : celui du travail. Que pour être une femme indépendante, il me fallait réussir par le travail. Mon père sous son discours traditionnel est un homme très moderne. Si la religion et les racines sont importants pour lui, pour autant, il n’a eu de cesse de nous dire qu’en dehors de la maison, l’école est un lieu à respecter en suivant ses codes et ses principes républicains et laïques. Il m’a transmis ce désir puissant de réussite. Il m’a poussé à m’émanciper et à être une femme indépendante. Pour lui, les études et le travail sont une voie d’émancipation et de liberté. Il a toujours cru en moi, il a fermé les yeux sur mes difficultés scolaires et m’a donné la force de croire en moi au-delà de mes lacunes. Tout me semblait donc possible parce que je savais que pour y parvenir il fallait travailler dur et s’accrocher ! Je suis une travailleuse acharnée et une indépendante mais pas sans le soutien de mon partenaire de vie.

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– Pourquoi la Psychologie ? 

Au lycée, j’avais choisi la spécialité économique et sociale option mathématique, je me dirigeais sans trop réfléchir dans le social et la sociologie qui abordait des thématiques qui me concernaient. En terminale, nous avons étudié Freud en cours de philosophie. Je découvrais pour la première fois la langue de l’inconscient et qui ouvrait un horizon inconnu dans ma langue familiale. J’ai donc choisi de faire des études de psychologie et très vite j’ai été attrapée par la psychanalyse qui parlait de symptômes mais aussi de thèmes intimes comme la féminité, le désir. La question féminine a trouvé écho en moi à partir d’une féminité laissée en souffrance par mon éducation – religieuse et traditionnelle. Ma volonté de m’en émanciper était freinée par la peur de décevoir mon père. J’étais tiraillée entre tradition et modernité concernant mon devenir femme. 

 

– Quels sont vos projets à venir ? 

Continuer de transmettre ce qui fait le précieux de la psychanalyse d’orientation lacanienne. Lutter contre toute forme d’uniformisation et de standardisation afin de faire valoir le précieux de ce qui cloche et ne rentre pas dans les cases. Lutter contre l’ignorance par le désir de savoir. Lutter contre la violence faites aux femmes et aux minorités. Continuer à avancer dans ma vie et permettre à mon fils et ma fille de s’armer pour affronter le monde dans lequel on vit. Continuer à apprendre ! 

 

– Quels sont les moments ou événements qui ont changé votre vie ?

Un événement aura fait césure dans mon existence. La perte d’une jeune sœur d’un an de moins que moi lors de mes études de psychologie en février 2002. Elle avait une myopathie neuro musculaire. Elle a perdu l’usage de la marche à l’âge de 9 ans. Je l’ai accompagnée du mieux que je pouvais jusqu’au bout. Sa rencontre a fait une part de ce que je suis aujourd’hui. Elle m’a appris ce qui ne s’apprend pas à l’université. Elle m’a appris le courage et la force au-delà des limitations du corps. Elle m’a appris qu’on est plus que la maladie et que celle-ci ne résume pas notre être. Elle m’a appris que le désir était plus fort que la maladie, la mort aussi bien. Elle m’a appris ce que vaut le prix de la vie et que rien n’est acquis. Jusqu’à son dernier souffle, elle est restée une femme qui aimait la vie, qui désirait jusqu’à son dernier souffle, courageuse et forte. Sa perte a été pour moi une déflagration. Je tenais en m’accrochant aux études pour ne pas sombrer. J’étais sur le fil, jusqu’à ce que je rencontre un psychanalyste qui m’a arraché du silence dans lequel le deuil m’avait plongée. Cette rencontre a été salvatrice et a complétement modifié ma vie de femme. Je me suis émancipée par la psychanalyse, une analyse toujours en cours. 

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 – Quel est votre conseil pour les femmes qui veulent réussir ?

Je n’aime pas donner des conseils. Je trouve toujours facile de conseiller une fois qu’on s’en est sortie. Et à la fois, s’est culpabilisant pour celles qui rencontrent de réelles difficultés qui limitent le déploiement des possibles. On oublie qu’on n’arrive jamais là par hasard. Que le chemin est long, souvent décourageant et parfois douloureux. Nous ne naissons pas égaux et nous ne rencontrons pas les mêmes difficultés. J’ai eu le cadeau le plus inestimable et qui n’a pas de prix : on a cru en moi et on m’a poussé à réussir. On m’a transmis ce désir et c’est ce qui m’a permis d’être là où je suis. Au-delà de mon père, d’autres rencontres, comme celle d’un professeur en CM2 y ont contribué. Pour croire en soi, il faut rencontrer dans sa vie quelqu’un qui croit en vous, qui désire quelque chose pour vous d’authentique. A partir de là, cela devient une force qui vous porte si vous le décidez. A partir de mon expérience je dirais que, le fait que mon père est cru en moi, qu’il m’est poussé à réussir et ce malgré mon démarrage poussif à l’école, son désir, a permis que s’ouvre en moi l’idée que je puisse y arriver. Que je puisse espérer quelque chose, vouloir autre chose, que je subvertisse les lignes de ma vie. Ensuite, quand celui avec qui je me suis mariée n’a pas cru en moi, a cherché à limiter ce que la psychanalyse ouvrait en moi, j’ai compris que nos chemins se séparaient. Aujourd’hui, je partage ma vie avec un homme qui croit en moi, qui m’encourage et cela m’est bénéfique. Alors, oui toutes les femmes ont du potentiel, pour cela il faut se donner les moyens d’y parvenir et de s’entourer de personnes qui vous élèvent et éviter celles qui vous écrasent ou vous font taire. Les femmes peuvent réussir sans un homme dans leur vie, mais quand on est en couple, si celui qui partage votre vie vous freine ou ne croit pas en vous, cela a des conséquences dans votre émancipation… soit on renonce par amour, soit on s’acharne dans la douleur… Pouvoir, c’est croire en l’autre, en soi : c’est de l’ordre du désir ! On a toutes du potentiel si on rencontre les bonnes personnes dans notre chemin de vie. Qu’on apprend de l’autre. Qu’on écoute ceux qui ont traversé les épreuves. Il y a des paroles qui ouvrent en vous une confiance et cette confiance devient le tremplin pour se hisser dans la vie. Cela peut être un prof, un membre de la famille…une femme, un homme…peu importe. Une parole dite au bon moment, peut, après-coup, faire écho et éclore en vous. Croyez en vous, travaillez, ne vous découragez pas et armez-vous de patience. 

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– Votre avis sur le site ?

Donner la parole aux femmes et les rendre visibles là où l’histoire a toujours voulu les effacer est une manière de donner aux filles, des héroïnes du quotidien auxquelles s’identifier aux quatre coins du monde. Quant aux garçons, c’est une façon de montrer que femme rime avec indépendance ! La question des femmes est une question éminemment politique. Les rendre visible, leur donner la parole et quelques soit leurs origines, est un acte politique.

 

– Dernier mot ?

Je suis heureuse d’avoir eu l’opportunité de vous transmettre ces quelques lignes et d’intégrer une des figures féminines – modeste – du portail lemondeféminin.com. Je remercie chaleureusement son fondateur Aziz Harcha pour cette invitation à dire, qui m’honore ! 

 

Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Janvier 2022

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