Yasmine Karimallah
1- Bonjour, avant tout, pouvez-vous vous présenter, nous raconter votre parcours et vos activités
Je m’appelle Yasmine Karimallah, j’ai 38 ans, je suis Géographe-Urbaniste de formation. Après avoir décroché un Bac ES, je suis allée en France pour poursuivre mes études. Ayant baigné dans un milieu entourée d’architectes, j’ai toujours souhaité me former à un domaine qui en était proche. Comprendre le territoire, les établissements humains, l’appropriation de l’espace par l’homme, ses pratiques sociales, ses activités, son adaptation au milieu puis la nécessité de répondre à des besoins, à des enjeux fonctionnels,… ont très rapidement constituer une curiosité, qui s’est finalement transformée en passion. J’ai fait mes débuts pour une courte période dans un Bureau d’Etudes sur des problématiques environnementales dans le cadre de documents de planification à Montpellier, cela m’a d’ailleurs fortement sensibilisé à ce pan essentiel de la planification. Par la suite, je suis rentrée au Maroc.
2- Et votre vie professionnelle
De retour au Maroc, j’ai connu quelques mois de latence. J’ai finalement intégré un Cabinet d’architecture à Rabat, qui réalisait des études de planification, des études urbaines dans les quatre coins du Maroc.
Cela a alors constitué ma première véritable expérience avec le territoire marocain, ma rencontre avec le terrain, l’administration, la population, les élus….J’y suis restée pendant 11 ans dans cette structure, qui par la suite a évolué en Bureau d’Etudes, durant lesquels je me suis formée, où j’ai beaucoup appris sur l’Urbanisme, l’Aménagement du Territoire, le monde du travail, le contexte marocain mais également sur moi-même.
J’ai au fur et à mesure aiguisé mes choix, mes convictions, non sans douleur… Je me suis heurtée, perdue avant de finir par me faire une raison et accepter que parfois les choses nous dépassaient, notamment dans un secteur où le politique, les intérêts économiques prennent le dessus sur des décisions rationnelles qui relèvent du devenir d’un territoire.
J’ai fini par intégrer une association, qui agit dans le domaine du Développement, qui est davantage dans une mouvance ruraliste et qui détient une belle philosophie d’engagement au niveau du territoire. J’y suis aujourd’hui depuis 1 an et demi, et j’ai encore beaucoup à apprendre d’elle. J’avais besoin de cette transition.
3- Et pourquoi ce secteur d’activité ?
Parce qu’il permet de comprendre beaucoup de choses. J’ai toujours eu une sensibilité pour les Sciences Humaines.
J’ai choisi un parcours en Géographie puis en Urbanisme et je ne le regrette pas, puisque cela m’a permis de comprendre les interactions entre l’Homme et l’Espace.
Comprendre les comportements sociaux, les enjeux économiques au niveau d’un territoire, l’influence culturelle, les préoccupations liées à un environnement naturel spécifique et les méthodes d’adaptation déployées, les enjeux fonctionnalistes et les pratiques mises en œuvre par l’Homme pour se déplacer, travailler, se nourrir…
4– Quels sont vos projets à venir ?
Pour l’instant j’ai plusieurs projets en tête, mais il faut que je me concentre sur un seul. J’ai cessé d’être utopiste sur certaines choses. Cette année par contre j’ai procédé par ce que j’appellerai « des petits accomplissements personnels » qui me permettent de sortir de ma petite routine de bureau.
J’ai ainsi participé au recensement des habitations détruites, ou endommagées dans le cadre du séisme du 8 Septembre auprès d’équipes d’architectes. J’ai fait partie du Comité d’organisation du Festival International des Femmes Metteuses en Scène à Rabat. J’ai partagé ces deux expériences avec des membres de ma famille et des amis et j’en suis très fière.
5- Quels sont les moments ou événements qui ont changé votre vie ?
Il y en a plusieurs, non pas de manière ponctuels, mais peut-être plutôt associés les uns aux autres. Le recensement des habitations cette année m’a bouleversé tant à travers l’évènement, ce séisme, qu’à travers les expériences humaines partagées avec les victimes. Il y a également une rencontre, cette personne a changé beaucoup de choses dans ma vie, sans même le savoir.
6– Quel est votre conseil pour les femmes qui veulent réussir ?
Je dirais qu’il n’y a pas de règles. Réussir ne signifie pas voir son visage ou son nom partout. Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, beaucoup de jeunes filles ont une idée superficielle de la réussite. Se retrouver derrière un bureau à réfléchir, à conceptualiser, à lire…n’a absolument rien d’exaltant pour elles. Mais avec le temps, on apprend à voir les choses autrement.
Pour moi aujourd’hui réussir c’est être en paix avec soi, c’est être respectueuse de ses principes, être bien dans ses baskets, aimer ce que l’on fait au quotidien et ne pas se sentir forcée de suivre un parcours enjolivé par tous alors que l’on ne s’y retrouve pas.
7- Votre avis sur la situation de la femme au Maroc
Nous sommes actuellement dans une situation très opportune pour la femme au Maroc. La femme marocaine est en plein émancipation et quel que soit les générations jeunes ou moins jeunes, quel que soit leur domaine, leur expertise, leurs savoirs faires elles nous prouvent en permanence qu’elles ont non pas gagné leur place, mais qu’en réalité elles l’ont toujours eu.
Nous ne remercierons d’ailleurs jamais assez ces femmes qui ont œuvré pour nous dans notre « moi » interne et plus largement pour Nous, toutes les femmes ! Ces femmes qui ont été « les seules », « les premières » et qui ont tracé bien avant nous le chemin que nous empruntons aujourd’hui.
8– Votre avis sur le site ?
C’est une aubaine puisqu’il permet de partager les expériences de femmes de tous âges, et de tous horizons, sans contrainte de notoriété. Toutes ces expériences, tous ces parcours de vie ne peuvent être qu’enrichissants.
9– Dernier mot ?
Peut-être juste une citation de Simone de Beauvoir qui disait « On ne naît pas femme : on le devient ».
Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Mars 2024