Interviews
Zineb ALAMI
Bonjour, avant tout, pouvez-vous vous présenter SVP ?
Zineb ALAMI, 35 ans, femme amoureuse, maman de deux petites filles de 7 et 4 ans, citoyenne du monde, défenseuse des droits de l’homme et de l’égalité des genres qui ne peut pas rester silencieuse face à une injustice et espère pouvoir laisser une trace positive de son passage sur terre. Je suis Directrice Générale de Colibriact une agence de communication d’influence qui dispose d’une plateforme de mise en relation entre annonceurs et créateurs de contenu/influenceurs (Yourkol.com) et d’une plateforme de photographie à la demande (Kapptain.com) qui propose des services audiovisuels (Shootings, tournages, spots publicitaires, etc.).
Racontez-nous un peu votre parcours
On peut dire que mon parcours me ressemble: atypique en apparence, mais prend tout son sens classique une fois dans son contexte.
Après l’obtention de mon Baccalauréat en Sciences Expérimentales Option Langue Française, j’ai pu intégrer HEM Business School puis l’IAE de Lyon option Marketing, Ventes et Communication.
J’ai commencé officiellement ma carrière en 2009, dans l’aérien, dans une des plus belles startups de l’époque Jet4you, qui deviendra plus tard Jetairfly puis Tuifly. Les quatre plus belles années professionnelles de toute ma carrière où je m’occupais du développement de nouveaux canaux de distribution on et offline, du développement de partenariats avec les voyagistes en ligne et les GDS, de la gestion des Airport Ticket Offices et des agences internationales.
En 2012, la crise n’a pas épargné la compagnie qui s’est retrouvée obligée d’enclencher un plan social avant de se faire absorber par sa compagnie marraine Jetairfly. Ayant fait partie des représentants du personnel signataires de ce plan social, je me souviens encore des regards inquiets et plein d’incertitudes de centaines de personnes à la sortie de chaque réunion de négociation avec le Groupe qui pouvaient durer des journées entières.
Après l’absorption, j’ai rejoint une ONG américaine qui portait un projet qui me tenait à cœur: l’amélioration de l’employabilité de jeunes diplômés issus de milieux défavorisés au Maroc. Ma mission consistait à sonder les besoins du marché et obtenir des promesses d’emploi auprès de DG et DRH de PME/PMI et Multinationales afin d’améliorer le taux d’insertion des jeunes lauréats de ces programmes de formation pour l’employabilité. Cette expérience a duré 3 ans et a été riche en leçons humaines. Je faisais des actions associatives depuis mes 16 ans, mais ces 3 ans à temps plein au sein de l’ONG m’ont fait vivre, par empathie au quotidien, tous les maux de la société: un système éducatif défaillant, des apparences très trompeuses, comment les gens peuvent perdre leur fibre sociale à force de baigner dedans, comment des cas sociaux peuvent devenir des chiffres, comment un orphelin peut se retrouver dans la précarité, Dans la rue, 6 mois après la fin de ses études qu’il ait trouvé un emploi ou pas…Tant de learnings.
Après 3 ans, il était temps pour moi de faire une pause du travail associatif et quoi de mieux que de revenir à ses premiers amours; l’aérien et le digital dans mon cas.
Au bout de 3 ans de services chez Etihad Airways, le besoin de liberté se ressentait de plus en plus. J’ai donc quitté EY fin 2017.
Pour une fois, j’étais libre. Libre d’entreprendre, de tenter de lancer un projet personnel. J’ai pris le temps de me remettre à l’état de l’art en Digital chez Abweb avant de me lancer.
Comment est née cette passion pour le business ?
Plus de 90% des membres de ma famille sont entrepreneurs. J’ai toujours rêvé d’entreprendre, mais c’est un rêve que j’ai souvent reporté soit par passion pour ce que je faisais soit par paresse et habitude au confort de percevoir un salaire à la fin du mois. Mon papa, qui a passé plus de 40 ans dans le salariat avant d’entreprendre, m’a toujours conseillé de me lancer dans l’entrepreneuriat et mon époux m’a toujours encouragé à sauter le pas.
J’ai donc toujours eu des idées de projets qui se bousculaient dans ma tête.
Quels sont les moments ou événements qui ont changé votre vie ?
Mon Dieu, il y en a plusieurs, mais si je devais n’en retenir que 4 je dirais:
*Avoir été blessée très jeune par une personne qui avait toute ma confiance et mon amour inconditionnel; cela m’a appris à me méfier des gens et à préserver mes sentiments. Après tout, la confiance n’exclut pas le contrôle.
*Avoir mon indépendance financière: le jour où j’ai perçu mon premier salaire et que je l’ai dépensé comme bon me semblait sans devoir rendre de compte à personne, j’ai compris que l’indépendance d’un être humain passe d’abord par son indépendance financière.
*Avoir reçu un SMS d’un garçon me menaçant de se suicider si je ne lui trouve pas d’emploi paracerque son orphelinat d’accueil lui avait demandé de quitter les lieux après la « sentence » des 6 mois de recherche d’emploi; c’est cet évènement précis qui a déclenché mon envie de faire une pause du monde associatif. Heureusement, l’un des membres du conseil d’administration avait, généreusement, proposé un emploi à ce jeune que je croyais tiré d’affaire…jusqu’au jour où j’apprends qu’il a fini par se suicider quelques mois plus tard. Une leçon de vie; les orphelinats au Maroc; une cause que j’aimerais tellement défendre officiellement si un jour j’en ai l’occasion.
*Avoir des enfants: les enfants viennent avec leur lot de bonheur, mais de responsabilités également. Mes deux filles sont venues éclairer mon chemin pour me donner un objectif encore plus ambitieux et challenging que tous les projets que j’ai pu gérer avant.
Quels sont vos projets à venir ?
J’espère lancer la 2ème version de notre plateforme de mise en relation entre annonceurs et influenceurs yourkol.com avant fin 2021. Je prépare également la scalability de notre plateforme de photographie à la demande Kapptain.com dans d’autres pays pour lancement à la fin de cette crise sanitaire et nous sommes sur le point de lancer une application du célèbre jeu marocain touti.co.
Quel est votre conseil pour les femmes qui veulent réussir ?
Les mêmes conseils que me donnait ma maman: Soyez indépendantes financièrement avant d’avoir des enfants, croyez en vous et ne vous laissez pas décourager par des pensées négatives, soyez libres de vos choix et décisions et ne vous laissez jamais chanter émotionnellement par qui que ce soit.
Que pensez-vous de la situation de la femme au Maroc ?
Je pense que la situation de la femme au Maroc s’est nettement améliorée sur le papier depuis l’arrivée de la Moudawana de 2004 sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi Mohamed VI. Ceci dit, des inégalités persistent et certains articles auraient bien besoin d’une réforme. Je suis persuadée que le premier ennemi de la Femme est la Femme elle même. Si nous ne nous traitons pas de la manière avec laquelle nous aimerions être traitées, personne ne le fera à notre place. Si nous n’éduquons pas nos fils aux mêmes valeurs que nos filles, nous ne pouvons pas espérer de changement. On ne peut pas espérer dans le silence et la passivité que les choses changent d’elles-mêmes, c’est à nous de réclamer nos droits.
Votre avis sur le site ?
C’est une initiative très louable de dédier un portail à la Femme Marocaine et de lui donner la parole. J’ai été agréablement surprise de découvrir un Homme derrière cette initiative. Bravo à Aziz Harcha.
Dernier mot ?
Je vous souhaite beaucoup de succès pour la suite de cette expérience et espère pouvoir compter sur lamarocaine.com pour porter nos voix quand on voudra défendre des causes féminines 🙂
Entretien réalisé Par Aziz HARCHA
Avril 2021
Avril 2021