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Hasna Boulasri

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– Bonjour, avant tout, pouvez-vous vous présenter, nous raconter votre parcours et vos activités

Bonjour ! C’est toujours un peu compliqué pour moi de brosser mon portrait en quelques lignes, les mots sont tellement subjectifs…. Pour faire court, disons que je suis une citoyenne marocaine qui se bat tous les jours comme le reste de ses consœurs dans un monde dont les lois ont été conçues par et pour des hommes. Hasna Boulasri, j’ai 35 ans, bientôt 36, un air juvénile mais des rides et des cheveux blancs bien installés (rire).

Pour vous dresser mon parcours, après l’obtention d’un baccalauréat en Sciences Economiques du lycée Descartes à Rabat, j’ai un court temps étudié au Canada, à l’Université de Montréal, car à l’époque le cursus qui me correspondait n’était pas offert partout et j’avais aussi un grand besoin d’évasion. Par la suite, j’ai rejoint l’Université Al Akhawayn d’où j’ai obtenu un Bachelor en Relation Internationales avec une double concentration en Communication.

J’ai ensuite intégré l’Agence Marocaine de Développement des Investissements (Invest in Morocco), structure au sein de laquelle j’ai évolué pendant 6 ans au sein du Service Coopération. Ayant la soif de reprendre mes études, j’ai eu la chance d’obtenir une bourse de mérite, octroyée par l’Union Européenne, afin de poursuivre un Master en Relations internationales et en Diplomatie de l’UE à Bruges (Belgique).

A mon retour, j’ai mis fin à ma mise en disponibilité, ce qui m’as notamment permis de travailler un temps en évènementiel, notamment en tant que chargée de projet au sein du Festival du Film de Marrakech.

Par la suite, j’ai intégré la dynamique équipe d’ONU Femmes Maroc, où j’ai assuré pendant deux belles années les fonctions d’Associée aux Programmes.

Actuellement, je me suis vu offrir d’intéressantes opportunités que je prends le temps d’étudier sereinement tout en restant ouverte à mon environnement. –

– Et pourquoi ce secteur d’activité

La coopération et les Relations Internationales sont des sujets qui m’ont toujours intéressé. Ce sont des domaines transverses qui touchent à plusieurs thématiques et qui ont à leur centre des préoccupations humaines.  Le business for business n’a jamais vraiment été mon dada, j’ai besoin de créer du lien, de co-construire et de voir le sens dans ce que je fais. Pour l’aspect diplomatique, c’est un intérêt si je puis dire, quasi naturel, ayant baigné dans le milieu politique, ce qui m’a d’ailleurs donné la curiosité d’en apprendre davantage, notamment en participant aux avants dernières élections.

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– Quels sont vos projets à venir ?

C’est la question du moment, je suis en pleine recherche de sens, je laisse l’inspiration me guider. J’ai l’impression d’être arrivée à un carrefour de vie où beaucoup de choses se bousculent en moi, mais un cheminement qui se traduit également par la fin d’un cycle et d’un processus de réflexion interne qui je l’espère me permettra de mieux appréhender le prochain chapitre. J’ai reçu quelques propositions et je laisse la vie me guider sur la suite des événements mais tout ça est en plein bouillonnement (rire).  D’autre part, il est aussi important d’équilibrer sa vie, j’ai par le passé beaucoup investi dans la construction d’un parcours éducatif et professionnel afin de ne pas avoir de regrets et de pouvoir capitaliser sur les acquis dans le futur. Mais il faut aussi, il me semble, appréhender les sphères de la vie intime, familiale, spirituelle et j’en passe, pour atteindre un certain équilibre personnel et vivre sa vie pleinement et sereinement. Du chemin reste à faire…

– Quels sont les moments ou événements qui ont changé votre vie ?

Toutes les choses que j’ai vécues, tous les gens qui ont croisés mon chemin, ont de près ou de loin, contribués à la personne que je suis aujourd’hui. J’ai toujours aimé l’adage “ce qui ne tue pas rends plus fort”. Il faut à mon sens savoir rester ouvert aux autres et être curieux d’acquérir davantage de connaissances, être une sorte d’éponge intellectuelle. Les épreuves de la vie ne font que nous renforcer, quelle est cette expression d’ailleurs ? “Je ne perds jamais, soit je gagne soit j’apprends (oui j’adore les citations en tout genre – rire). En définitif on est comme le disent si bien les anglophones, un “work in progress”, il y a toujours piste d’amélioration. Et surtout essayez de ne jamais juger, ni les gens ni les expériences, ni les trajectoires et surtout il ne faut pas se comparer aux autres, car nous avons chacune notre voie propre, nos ambitions et rêves distincts.

– Quel est votre conseil pour les femmes qui veulent réussir ?

Il faut avoir confiance en soi et en ses capacités, il ne faut jamais laisser autrui nous définir. Il faut évidemment se battre et ne jamais laisser tomber surtout lorsque les choses sont difficiles, car en général, c’est en dépassant sa zone de confort que l’enrichissement se produit ainsi que la capacité de se transformer et d’améliorer sa personne, c’est un peu l’analogie avec la chrysalide qui mue et se transforme en papillon, le processus de destruction créatrice. Il faut être également être curieux de tout, se poser de nombreuses questions, tomber à maintes reprises et continuer à se relever. Il ne faut surtout pas se mettre de barrières mentales car on se projette mentalement bien avant que les actions ne se réalisent. Mon modo c’est la positivité, la combativité, la bienveillance et le désir de bien faire. Il faut aussi apprendre à devenir bienveillantes envers soi-même et ne pas être trop intransigeantes face à nos erreurs, nos doutes et nos questionnements et avoir le courage de mal faire car c’est comme ça que l’on apprend, tout le monde a été débutant un jour. Il ne faut pas stagner dans son confort et aller chercher les zones non habitées et se retrousser les manches, c’est à mon sens bien plus stimulant, excitant et enrichissant. Et tout cela dans le respect des autres évidemment. Par ailleurs, j’ai constaté que les femmes sont souvent dures entre elles, il faut au contraire s’entraider et ne pas mettre des bâtons dans les roues de ses concitoyennes ni de personne d’autres d’ailleurs, car bien souvent, la roue tourne.

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– Votre avis sur la situation de la femme au Maroc

La situation de la femme au Maroc ? Le sujet n’est pas à traiter en quelques lignes, il mérite que l’on s’y penche en profondeur. Je vais néanmoins tenter d’en parler en quelques lignes et j’invite les lectrices et lecteurs à consulter la page électronique du bureau d’ONU Femmes Maroc pour se tenir informés sur la thématique et en savoir davantage.

Les chiffres parlent plus que les mots, si l’on se réfère à l’édition 2021 du Global Gender Gap Report du Forum Economique Mondial, le Maroc se place à la 144ème place sur un total de 156 pays en termes d’égalité entre les sexes, c’est peu glorieux ! Malgré les efforts déployés par les forces vives de la nation et les différents acteurs de la place (ONGs, institutionnels, société civile, …), et la mise en place d’une législation et de réformes allant vers le sens de l’égalité (constitution consacrant le principe de l’égalité, des réformes juridiques visant l’harmonisation du cadre légal aux standards internationaux etc.…), il nous faut effectuer un véritable saut vers l’avant. C’est un effort qui ne peut se faire sans un vrai changement de mentalités, qui nécessite l’implication de tous et de toutes pour une modification structurelle de la perception de la femme, de sa place dans la société ainsi que de son potentiel apport à cette dernière. Il s’agit d’un travail de longue haleine, dont il faut laborieusement et patiemment construire les jalons, jour après jour.

En termes économique, l’intégration des femmes marocaines au milieu du travail laisse à désirer. En effet, le HCP, établit le taux d’activité féminin en 2019 à 21,5% (contre 71% pour les hommes) et le taux d’emploi à 18,6% (contre 65,5% pour les hommes). Or une étude récente  a démontré que l’intégration des femmes au tissu économique marocain se solde par une augmentation des richesses avec un impact direct sur le PIB/habitant (augmentation de 39,5% en cas de réduction complète de l’écart d’emploi entre les femmes et les hommes et de 22,8%, s’il y’a uniquement élimination des barrières à l’activité des femmes sans prendre en compte l’accès équitable à l’éducation). Ainsi, il faut que les Marocaines intègrent davantage le milieu professionnel et ce aux plus hauts niveaux de représentation. Comme le dit si bien Shirley Chisholm : “S’ils ne vous donnent pas de place à la table, apportez une chaise pliante”. Je suis néanmoins optimiste, car désormais les Marocaines occupent des fonctions considérées par le passé comme étant l’apanage des hommes. On voit ainsi dans notre panorama quotidien de plus en plus de femmes chauffeur de bus, de policières, et j’en passe de fonctions et d’activités.

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– Votre avis sur le site ?

Je pense que c’est une excellente chose que de donner la parole aux femmes, car c’est en donnant de la visibilité à leurs accomplissements que l’on peut inspirer les générations montantes. Beaucoup de femmes font des choses incroyables mais l’information n’est pas relayée ou qu’à travers des canaux dédiés. Il faut montrer que la marocain est partout, qu’elle est compétente, courageuse, audacieuse et qu’elle est représentée dans tous les domaines et sphères de la société et à tous les niveaux de représentativité.

– Dernier mot ?

L’avenir appartient aux audacieuses !  Foncez mesdames 😉

Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Avril 2022

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