Carine Contraires
1- Bonjour, avant tout, pouvez-vous vous présenter, nous raconter votre parcours et vos activités
Je m’appelle Carine Contraires. je suis née à Kinshasa en République Démocratique du Congo et je suis arrivée en France à l’âge d’un an. Troisième d’une famille de 9 enfants, j’ai grandi en France, en Bourgogne, une région si chère à mon cœur. Passionnée de droit, je ne pouvais en faire mon métier faute de moyens pour de longues études. Mais je savais avec certitude que je devais réussir pour tous ceux qui n’avaient pas la chance d’étudier. J’avais plusieurs cordes à mon arc, alors, je me suis dirigée vers un DUT de gestion administrative et commercial à l’Université de Dijon, puis je suis montée à Paris pour enchainer avec un BTS assistante de direction en alternance. J’ai trouvé un poste tout de suite en terminant mes études.
2- Et votre vie professionnelle
J’aime le métier d’adjointe de production, car c’est un métier très polyvalent. Je travaille autant sur la production et logistique d’un tournage, que sur de la gestion administrative. Mes compétences relationnelles sont également très sollicitées dans ce métier car il faut savoir être à l’écoute, argumenter et faire preuve de fermeté. Je m’occupe des contrats de travail des réalisateurs, chroniqueurs, consultants… des plannings, des demandes d’autorisations de tournages, des repas, ….etc. On est sur tous les fronts, on planifie, on vérifie tout, à tout instant pour être dans les clous vis-à-vis du droit du travail. C’est un métier de l’ombre, mais on met tout en œuvre pour que les tournages se déroulent sans encombre sans que les équipes et les invités ne s’aperçoivent de rien.
3- Et pourquoi ce secteur d’activité
Je suis tombée dans l’audiovisuel presque par hasard, car j’ai répondu à une annonce en ligne pour un poste en CDD alors que je comptais partir à l’étranger parfaire mon anglais. J’ai eu un appel du chargé de recrutement de France Télévisions Publicité. Ce dernier me contactait pour me proposer non pas le poste pour lequel je venais de postuler, mais pour un autre emploi mais en CDI. Je n’ai jamais vu l’annonce car ce poste n’avait pas encore été publié, mais mon profil polyvalent correspondait parfaitement. Et me voilà 18 ans plus tard toujours au sein du Groupe France Télévisions.
4– Quels sont vos projets à venir ?
J’aimerais monter une structure associative pour les jeunes afin de partager les savoir-faire en République Démocratique du Congo (RDC). Je souhaiterais tant allier mes compétences à celles de ceux qui le souhaitent, qu’ils soient africains ou non. Ainsi, je pourrais rendre hommage à ma double culture. Je vois tant de jeunes qui laissent tout derrière eux pour se lancer sur les routes de l’exil faute de pouvoir réaliser leur rêve dans leur pays. Si on peut faire que ces jeunes arrivent à s’en sortir chez eux, ils n’auront alors plus besoin de prendre autant de risques pour parfois périr loin de leur sol natal. L’Afrique est riche de ses enfants, de sa culture et de son sol et doit apprendre à transformer ses atouts pour ne plus être une victime, mais un acteur d’égal à égal avec d’autre pays.
5- Quels sont les moments ou événements qui ont changé votre vie
En 2015, je travaillais encore pour la Fondation d’Entreprise France Télévisions. J’ai été amené à rencontrer des femmes d’exceptions pour lesquelles j’ai le plus profond respect :
- Mercedes Erra- Fondatrice et Présidente de BETC
- Zahia Ziouani- Cheffe de l’Orchestre Divertimento
- Fadela Amara- Militante féministe et ex-Femme politique, aujourd’hui à l’IGAS
Toutes ces femmes ont un point commun, elles sont toutes issues de l’immigration et ont fait de leur rêve une réalité sans mettre de côté leur rôle de femme, de mère, ni oublier leur famille, ni d’où elles viennent.
Comme moi, elles savent que chaque épreuve de la vie, bonne ou mauvaise peut être un moment de transformation.
« Ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort ».
6– Quel est votre conseil pour les femmes qui veulent réussir ?
Mes conseils pour les femmes qui veulent réussir :
- Définissez vos objectifs, car il y a « ce que l’on veut et ce que l’on peut ».
- Formez-vous, étudiez, c’est la première porte vers la liberté. Une femme qui a la tête bien remplie ne se laissera pas facilement marcher dessus.
- Croyez en vous, car personne ne pourra le faire aussi bien que vous.
- Trouver votre équilibre entre votre vie professionnelle et personnelle
- Vous n’avez pas besoin de ressembler à un homme pour réussir
7- Votre avis sur la situation de la femme
La situation des femmes mettra encore du temps à évoluer car nous sommes dans un monde fait pour et par les hommes. La femme est considérée comme une menace à l’extension de leur pouvoir et privilèges.
Même si les inégalités entre les 2 sexes se réduisent en Europe on est encore loin de la parité dans de nombreux domaines.
Dans mon pays, c’est encore pire puisque les femmes sont simplement absentes de la vie politique. Il y a beaucoup d’abandon chez les filles car elles sont moins encouragées que les hommes à poursuivre leurs études ce qui est dommage pour l’avenir du Pays. Il y a encore tellement à faire pour l’éducation des femmes en Afrique.
Selon ONU femmes Afrique, en RDC, près de 52% des femmes sont des survivantes de violences domestiques et 39% des femmes congolaises ont déclaré avoir été menacées ou blessées. 27% des femmes en RDC sont victimes de pratiques traditionnelles néfastes. Les mariages précoces sont fréquents.
8– Votre avis sur le site ?
Le site au Féminin donne une voix, inspire par les différents témoignages, toutes ces femmes qui se reconnaîtront sûrement dans mes propos.
9– Dernier mot ?
Merci pour l’opportunité que vous m’avez donnée de mettre en lumière mon travail qui souvent reste dans l’ombre. Et si cela a pu inspirer au moins une femme, alors je suis heureuse de l’impact que j’aurais pu avoir à mon niveau.
Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Septembre 2023